Florence Dumas, la demande

Le lendemain d'une veillée sans sommeil fut bénéfique. Malgré la fatigue qui pouvait enliser son corps dans une inertie maladive, l'esprit avait bénéficié d'un raisonnement réparateur. Sa conscience fortifiée par la décision qu'elle s'empressa d'écrire, Florence utilisa sa plus belle plume et, sans même s'efforcer de chercher les mots, composa une hymne à sa beauté.

Citation :

Un sourire pour une larme, cette sérénade pour ma gardienne. Entravée par sa prestance, illusionnée par cette beauté qui m'enchante, je ferme les yeux et aperçois le lychnis d'une rencontre. Bercée par mes tourments, cette frêle tige dort au milieu d'un torrent de passion qui attire sans pudeur mes lèvres aux siennes. Dorment les jours où le coeur infidèle s'enquit d'une autre qu'elle, meurent les nuits où je rêvais à d'autres caresses. Tes mains se joignent et implorent ta tendresse et t'offrent ma vie mortelle, unique faiblesse. De tes yeux, je retiendrai l'attention ne serait-ce que pour entrevoir ta pupille profonde sous les traits fins de tes cils allongés. Profonds comme mes secrets, doux comme cette soie que tu portes, comme cette chevelure sombre que le vent, librement, emporte. Telle l'hydre, pour chaque instant où nous fûmes séparés en naissent deux encore plus féroces et complices que le fut ce passé où tant de fois j'ai péché.

Siamoises par les sens, jumelles par l'ombre, ma soeur nous vieilliront ensemble. Dans la froideur comme dans ces moments chaleureux blottis l'une contre l'autre, nous tracerons les frontières d'une existence envoûtante par ses rires comme par ses pleurs que nous aurons tôt fait de tuer dans leur coquille mélancolique. Minuit aura son étoile et midi le plus apaisant soleil. Porte en broche le bourgeon de notre première rencontre et je parerai mon être d'une aura fraternelle.

Dans l'espoir d'être apaisé par cette caresse du revers de ta douce main au prix d'en bruler d'une envie qui accouchera d'un demain incertain, je laisse à mes sentiments la honte de conclure ce qui me semble un texte faible d’envergure pour ce que tu symbolises. Il me plairait une seconde chance de faire fleurir ce lychnis du passé qui hante frêlement mon présent. Le vent, la pluie ou même la neige n'ont eu raison de sa floraison qui diffuse ton vivifiant poison dans ma chambre. Le second grandira puis fleurira. Et nous, tels de vieilles connaissances, observeront la bise inviter ses pétales à la danse.

Il me vient à l'idée de conclure par la demande...

Mais le corps a une limite que même l'esprit le plus enflammé ne peut corrompre. Sa tête se posa lourdement sur le pupitre où vacilla la fiole d'encre noir. La plume quitta sa main, flotta un moment dans l'air, comme hésitante et déçue de laisser sa maîtresse sur une note sans fin. Sans doute cela était mieux, l'avenir porte des atours qui compléteront ce qu'aujourd'hui a habillé. Puis, sans provoquer quelconque tollé, elle se posa sur le plancher frais.

L'encre se déversait sur le feuillet, noyant de nocturnes aveux en un débordement de ténèbres qui venaient souiller partiellement le bois. Il y aurait du nettoyage à faire, une domestique hastane probablement chatiée.

Seuls quelques vers semblaient compléter le vélin, en une rare surface épargnée.

Citation :

Esclave de Passions qui m'échappent
Je m'interroge.
Serais-je de celles qui dérogent
Ou vivrais-je sous cape ?

Embrasserais-je mes incertitudes
Au mépris de toute Raison ,
Fleur à timide floraison,
Brulante en dépit d'un écrin de servitude ?

Une petite abeille noire était dessinée en coin de feuille. Un tiers de lune venait en tracer le fond..
La plume, blanche, demeurait insouillée, sagement placée loin du débordement.

Encore plus tard dans la soirée, la Nébulix déambula dans la chambre. Elle dressa son dos droit en voyant le corps de Florance, et puis le détendu en la remarquant somnoler. Prioritisant ses tâches, elle traina d'abord l'endormis vers un lit, sans trop chercher à la réveiller. L'effort du transport le ferait à sa place au besoin.

Après avoir poser la Hastane sur un matelat, elle posa les yeux sur le texte. Lisant et relisant les lignes en fronçant les sourcils. Elle jetta un regard incertaine, mais attendri vers l'endormis. Sur une nouvelle page mais la même plume, elle se tâche a partager quelque lignes d'un poème écrit il y a longtemps.

Citation :

Et petit à petit la citée vous enferme comme un joyau sans voix. Juste un ombre, juste un coeur vide cherchant oasis. Radieux et sourd, comme une étoile explose dans le froid bleu-noir et le vide du ciel.

Etes-vous cette disparaissante divinitée ? Etes-vous seulement palliatif pour l'instant d'intime inimitié ?

Elle le glissa par dessus la première page. Et cette tâche accompli, elle commença à nettoyer les tâches d'encre, malgré le sommeil qui tentait toujours de l'acceuillir. Il y avait des actions qui demandait punitions, et d'autre qui était mieux oubliée.