Lors d’une nuit étoilée où la lune était ronde, grosse et claire, le sommeil des habitants de la forêt éternelle fut troublé par une séance de hurlements incessants de loup. Sans en avoir fait de cas, la population se rendormit.
Au lever du soleil de cette belle journée d’été, une douce mélodie jouée par un luth attira l’attention d’une bonne partie de la population vers la mare. Des daelwenas se rendirent voir qui jouait cet air mystique.
Arrivant sur les lieux, ils aperçurent un daelwena jouant d’un luth orné de belles gravures. L’être en question était assis, adossé à un chêne, une jambe allongée et l’autre pliée. Il était légèrement vêtu : des bottes de voyage, un pantalon moulant, un simple veston ouvert et sans manches et un chapeau à plume cachant les traits de son visage. Il semblait légèrement plus grand que la moyenne daelwenaienne et était d’une musculature moyenne, une musculature d’acrobate.
Le jeune daelwena leva finalement le regard vers les gens présents, découvrant la moitié de son visage, puisqu’une mèche de ses cheveux bleus cachait l’autre moitié. L’œil gauche que l’on pouvait voir était d’un bleu clair perçant et son regard était franc. Il possédait une bouche qui semblait bien lui servir.
— Ho! bien le Aiya à vous, andils, dit-il d’une voix douce et calme en continuant de jouer. Je suis Faen Nénharma et j’aimerais vous conter mon histoire.
Faen avait une facilité à s’exprimer et les gens présents buvaient ses paroles.
— Un couple de daelwenas vivait en cette forêt il y a près de 100 cycles de cela. Un homme très attentionné par ce qui l’entourait, un rôdeur exemplaire et un musicien hors pair chérissait une femme d’une beauté inestimable qui suivait la voix druidique. Ce couple vivait au jour le jour, menant une belle vie aussi ordinaire que passionnée.
— Malheureusement, mon histoire ne s’avère guère être bonne tout du long. Alors que les deux amoureux et leur poupon se promenaient cette fois encore plus loin nos landes, ils tombèrent sur un groupe de Mortanyss. Six créatures hideuses. Je ne crois pas avoir à détailler davantage pour vous dire qu’ils étaient tous différents et chacun plus repoussant que les autres.
— Le brave rôdeur tendit l’enfant à sa belle puis s’avança entre elle et les morts-vivants. Il prit un petit couteau à sa ceinture puis le lança habilement entre les deux yeux du chevalier de la mort qui tomba au sol. Les cinq autres mortanyss se jetèrent sur le père courageux. Il réussit à éliminer le succube avant de trépasser. Les quatre mortanyss restants lancèrent leurs regards vers la douce mère qui avait pris du recul. Elle s’avança d’elle-même vers le groupe. Le faucheur lui ôta la vie sans qu’elle offre de résistance, puis elle vint s’étendre, collée sur celui qui fut son amour éternel avec un sourire radieux aux lèvres. Les quatre Mortanyss se regardèrent, hébétés. Où était l’enfant maintenant?
— Soudain, un hurlement se fit entendre, un hurlement de loup. Une meute de ces bêtes vint exterminer les hors-cycles. Celui qui semblait être le chef de la meute alla fourrer son museau dans buisson un et sortit l’enfant par le fond de sa culotte. Il fit comprendre à la meute qu’elle serait sa nouvelle famille.
— Après quelque temps, l’enfant chassait avec ses frères loups et vivaient tels ces magnifiques canidés. Il passa environ 30 cycles à, non pas vivre comme, mais être un loup.
— À son adolescence, le jeune daelwena fut emmené par sa famille de canins à une maisonnette où l’attendait un très vieil homme dont il n’a jamais connu d’autre nom que « maitre » pour l’interpeler. Il lui apprit à marcher sur ses deux jambes, puisqu’il courait toujours à quatre pattes. Il lui montra à parler, car il ne faisait que grogner et japper. Il lui apprit les arts et la vie. Il lui apprit tout ce qu’il savait. Le jeune sauvage apprenait vite et bien. Malgré ce qu’on aurait pu penser, il n’était aucunement réfractaire à ces apprentissages et, au fond de lui, il savait bien qu’il n’était pas un vrai loup. Toutefois, le luth du vieillard captait trop souvent son attention. Son maitre dut le reprendre à maintes reprises alors qu’il essayait de comprendre le fonctionnement de l’instrument. Il y avait quelque chose qui l’intéressait plus que tout dans les sons produits par un instrument de musique. C’était ça, pour lui, qui permettait d’honorer toute la beauté que Mère Nature, Lysaelle, avait créée.
— Mais vint l’heure de la mort du maitre, environ 70 cycles plus tard. Ho, une mort douce, sans douleur, celle qui arrive au bout d’environ 1000 cycles. Le Daelwena, jeune adulte, enterra lui-même son maitre, paisible. Il avait mené une vie superbe et désormais, son corps nourrira de nouvelles vies et son âme rejoindra Lysaelle.
— Après l’enterrement, le jeune adulte alla méditer dans la forêt. Cette méditation finie une nuit où il hurla comme un loup à plusieurs reprises pour avertir la forêt qu’une vie nouvelle commençait.
Faen arrêta de jouer de son instrument
— Ce matin, il est assis à un chêne, en train de raconter son histoire à qui veut bien l’entendre...
Le barde se tut, laissant la parole à ses congénères.