[BG] Ezrah Ibn'Janaan, la douce.

Le commencement.


Le vent chaud et sec balaya sa chevelure tandis qu'elle profitait de cette petite pause bien méritée. Une seule gorgée fût permise afin que tous puisse s'abreuver correctement et garder un peu d'eau pour le reste du voyage.

Citation :

Sauf que cette fois je commence à être fatiguée. Fatiguée de courir, fatiguée de fuir. Depuis quatre ans on se sauve pour finir par se cacher, pour vivre un peu, pour s'inquiéter beaucoup et pour ensuite finir par de sauver à nouveau.
J'ai envie de vivre quelque part, pour vrai. Enfin je crois..

Citation :

L'avantage de ce jeu c'est qu'on a le droit d'être qui on veut. Prendre le nom, les qualités ainsi que les défauts et changer de visage sans pour autant devoir se justifier à la fin. Plein de nouveaux visages, plein de fausses complicités et aussi plein d’agréables faux moments.

- Allez ! Plus que deux jourrs de marrche ! lança-t-elle, la bouche déjà sèche.

Citation :

Se déplacer en bande à ses avantages tout comme être la seule fille du groupe. Plus je les regarde, plus je les aime. On dit souvent que les amis sont la famille que l'on choisit. Pour ma part, si j'avais eu à choisir ma famille, j'aurais assurément pris mon frère.

La jeune nomade pivota quelque peu la tête pour examiner les deux hommes qui se trouvaient à proximité d'elle. Un sourire prit place sur ses lèvres charnues tandis que la bande continuait de traverser les dunes à l'aube de la journée.

Son regard aux accents verdâtres finit par se poser sur le vieillard, un peu plus loin d'eux, qui fermait la marche. Elle lui adressa un petit clin d'œil complice et se perdit à nouveau dans ses pensées.

Citation :

Et lui, s'il n'était pas là, que serais-je ?

Je suis toujours aussi impressionnée lorsque je le vois prendre sa tasse de thé, tellement vulnérable et incertain. Il est un tout autre homme quand il me conseille, quand il m'écoute et me comprend.
C'est un peu comme si mon père existait toujours. Aurait-il les mêmes rides ? Le même sourire ? Ce même sourire qui parfois me rassure et d'autres fois me fais peur ?

La petite bande reprit silencieusement la route, plein cap sur Najar'Him. Le vent soufflait toujours, balayant sur son passage quelques plantes desséchées par le soleil. Chose certaine, elle espérait que ce même soleil, qui avait doré la peau de son défunt père, allait être aussi clément avec eux.

Citation :

Porter ce nom peut parfois être un fardeau mais il n'y a rien que les Ibn'Janaan ne peuvent accomplir lorsqu'ils en ont décidés ainsi.

- Najar'Him est au bout de nos doigts, je la sens, il me tarrde de savoir quelle vie nous sera offerrte.. sussura Ezrah, pleine d'espoir.

L'approche.


- Fais ça vite, on doit reprendrrre le chemin ! dit Seikh, s'accroupissant à travers les buissons qui bordaient la route de pierre.

La jeune Kheijanne hocha rapidement la tête puis elle dénoua prudemment sa tunique. Elle prit place sur un rocher, ajusta ses vêtements de manière à ce qu'une de ses cuisses dorées soit en évidence et elle cassa une des lanière de cuir de sa sandale gauche.
Retirant son keffieh ainsi que son muzzar, les portant à sa besace, elle prit quelques instant pour replacer son épaisse tignasse blond sable.
Ses grandes mains fines ajustèrent quelques mèches autour de son visage puis elle lâcha une courte mais puissante expiration pour replacer une couette rebelle.

- Faites que ce soit un Hastane.. et pas trrop intelligent, ça aiderrait.. implora la basanée, les yeux au ciel. Son regard verdâtre, accentué de larges traits de khôl noir, se plissa lorsqu'il ne fit qu'un avec le soleil.

À l'horizon, la silhouette floue d'un cavalier se dessinait. Quelle chance !

Elle glissa ses mains vers sa cheville gauche, en faisant semblant d'ausculter sa sandale, l'air complètement affligée par ce fâcheux accident. Rendu tout près d'elle, l'homme évalua la situation, un peu méfiant. Il sonda rapidement les alentours puis il déposa à nouveau son regard sur la jeune femme.

- Êtes-vous tombée ? Êtes-vous meurtrie ? lança-t-il, à la fois soupçonneux mais bienveillant de nature. Perché sur son cheval, il sonda la jeune femme avec prudence.

Ezrah souleva son regard sur lui puis fit une petite moue tristement tendue.

- Hé bien vay, j'ai tombé. Ma sandale s'est brrisée et ça m'a fait chuter.. regardez, la lanière, elle est sectionnée. dit-elle, dans un touchant soupire. J'ai un peu mal à ma cheville.

L'Hastane prit une profonde inspiration puis il descendit de sa large monture. Une fois au sol, il tapota sa chemise et ajusta sa ceinture, examinant les environs d'un regard toujours suspicieux. Il s'accroupit devant elle, à ses pieds puis il examina la sandale hâtivement avant de se relever.

- Ne pensez vous pas que si c'était réellement un guet-apens, nous ne vous aurrions pas déjà attaqué ? lâcha-t-elle, faussement offensée en plissant le regard. Je vous en prrie. Venez simplement renouer ces deux lanières ensembles, je vais me rreculer un peu et vous laisser faire. Je manque de forrce pour faire un nœud solide. tout en pointant de l'index successivement les deux courroies de cuir.

La jeune femme s'allongea délicatement sur le rocher, gardant son regard sur l'individu. Ce mouvement fit en sorte que le fin tissus qui cachait sa cuisse tomba sur le côté, la dévoilant dans son entièreté. La douce porta son regard au-dessus de l'homme, vers les buissons, puis elle passa sa main dans ses longs cheveux en les faisant valser au gré du vent.
L'hastane redressa le menton lorsqu'il huma la subtile odeur de l'oud agrémentée de vanille. Un peu comme un loup reniflant le délicat parfum de sa proie, il leva les yeux vers la belle, pupilles dilatées, subjugué. Ezrah porta sa main à son cou frêle, frottant sa boucle d'oreille avec distraction puis elle sourit à son bienfaiteur.

Seikh sorti discrètement des broussailles et se rendit au destrier de l'homme, farfouillant les sacoches qui ornaient la selle de la bête. Il en sorti un petite poche de cuir visiblement pesante, une fine dague ainsi qu'un livre à la reliure anthracite. Le Kheijan se faufila à nouveau dans le bosquet pendant que sa jumelle s'affairait à détourner l'attention du cavalier.

- Voilà.. ça me semble bien.. bredouilla-t-il en terminant de serrer les lanières entre elles. Vérifiez si cela vous paraît confortable demoiselle.

Ezrah lui sourit tendrement puis elle hocha la tête en tapotant le sol de son pied gauche.

- Ça me semble parrfait. lança-t-elle, ravie, d'une voix chaude et mielleuse. Sincèrrement je suis surprrise.. avec d'aussi grrosses mains.. j'avais quelques doutes. C'est un trravail de moine que vous venez d'effectuer. Tout en muscles et en finesse, imprressionnant !

Le gaillard, conquit, émit un petit rire nerveux.

- Demoiselle, que diriez-vous d'une petite chopp...
- Je dois y aller malheurrreusement, coupa-t-elle hâtivement, il se fait tarrd et ma famille m'attend en Najar'Him, la Sainte. Vous me voyez attrrristée, charmant Cavalier. Demain, même heurre, je serrai ici et nous irrons prendre un petit thé. Ça vous va ?
- Euh.. Esta mais com'..
- Bien ! trancha la jeune femme. À demain !

Puis elle le quitta prestement, lui adressant un dernier sourire une fois arrivée à l'orée des bois. Elle continua pendant un moment, pressant le pas, jusqu'à être certaine qu'il ne puisse plus l'apercevoir. Ezrah ajusta sa tunique, nouant celle-ci plus serrée et remit keffieh et muzzar en levant les yeux au ciel, sachant très bien la suite.

- Sérrieusement ? Tout en muscle et en finesse ? railla Seikh en lui donnant un coup d'épaule bien senti.
- Combien ? grogna la Kheijanne tout juste avant de ricanner.
- 300 pièces, une dague et un livrre qui est en bon état. On pourrra peut-êtrre les vendre à Najarr'Him.. fit-il en haussant les épaules tout en continuant de marcher auprès de sa sœur.
- Joli trravail. Aller, on rreprend la route.

Et ils poursuivirent leur chemin vers la Sainte Cité, tous deux silencieux mais néanmoins complices.

La chasse.


L'air frais s'infiltrait lentement par ses narines tandis qu'elle prit une longue et profonde inspiration. Son regard perçant s'immobilisa sur cette belle bête qui errait paisiblement dans les bois, insouciante du danger qui la guettait.

- En haut à drroite de sa patte avant ; où s'est ombrragé. fit Kahir en pointant l'animal de son doigt crochu, à voix basse, juste derrière elle.

- Je sais Kahirr.. dit sèchement la jeune femme.

Elle profita de sa longue expiration pour apporter à son visage sa main qui retenait la mince corde de son arc fait de bois d'if. La Kheijanne humecta lentement sa lèvre inférieure, celle-ci bordée en son centre d'une mince ligne tatouée, sans doute en guise de concentration.
Juste au coin de sa mâchoire, son pouce reposait faiblement tandis que son index se trouvait au-dessus de la flèche et que deux de ses doigts prenaient place en dessous de celle-ci, n'attendant que le bon moment pour délaisser leur emprise.

Une minuscule parcelle de corde s'appuyait sur sa narine, exactement ou elle portait un petit anneau doré, possiblement en guise de repère. Une fois son expiration complètement soustraite, Ezrah prit un brève pause et elle abandonna le cordon.

- En plein coeurr, il ne fera pas long feu, suivons le. lança le vieil homme en se relevant debout à l'aide de sa canne.

Ezrah acquiesça silencieusement à quelques reprises, tout en allant porter une large mèche de ses cheveux blonds derrière son oreille. Accrochant son arc à son dos, ils avancèrent tout deux vers la dépouille encore chaude de l'ours.

- La peau est intacte, dit la Kheijanne, en tapotant le cadavre du bout du pied. On aurra un joli petit montant pour celle-ci !

- Et nous aurrons un joli festin, déclara prestement l'aîné en se frottant les mains. Va chercher Seikh, il est aux aborrds de Citriia, il y a trop de viande et mon dos me fais souffrirr !

Et elle s'évapora progressivement à travers la forêt...

La scarification.


- Et celui là ? Il veut dire quoi ? Tu l'as depuis quand ? fit la petite, en pointant du doigt le sternum d'Ezrah.

- Je l'ai depuis un bon moment. Pourrquoi tu veux savoir ça petite ? déclara-t-elle lentement tout en toisant l'enfant.

- Juste comme ça, par curiosité.. dit-elle en haussant les épaules, hésitante.

- C'est pour attirer l'abondance. C'est un arbuste, le khat plus prrécisément. Une sorrte de bénédiction. lança la jeune femme tout en jetant un œil sur l'homme qui exécutait lentement le nouveau tatouage sur son épaule gauche.

Dans une de ses grosses mains rugueuses, l'aspirant Vizir tenait une courte baguette de bambou qui, à son extrémité, portait une petite aiguille. De son autre main, il essuyait de temps à autre l'épaule de la jeune femme avec un linge sale. Dans un mouvement répétitif mais plutôt précis, la fine aiguille transperçait la peau dorée de la Kheijanne. L'interminable procédure finissait par laisser une marque rougeâtre qui était aussitôt frottée avec une mixture de khôl et de cendre.

- Et lui que l'Aspirant Vizir te fais, présentement, il veut dire quoi hein ? souffla la gamine, le nez relevé sur le tatouage en exécution.

Ezrah prit un petit moment avant de répondre. Elle tourna le regard vers l'Aspirant, puis vers le coin de son épaule où elle pouvait apercevoir un bout de son tatouage encore sale. Elle prit une profonde inspiration tout en jetant un coup d'œil vers la fenêtre, examinant brièvement le paysage.

- C'est pour mon frrère.

La petite avança vers la table où tout le matériel pour la procédure reposait. Elle se mit sur la pointe des pieds afin de bien examiner le tout. Au bout de quelques secondes d'observation, la gamine se tourna vers le duo puis elle s'approcha progressivement d'Ezrah.

- Pourquoi hein, pour ton frère ?

- Asser ! trancha la jeune femme. C'est assez, va jouer ailleurrs petite.

Les yeux écarquillés par la peur, elle fila aussi vite qu'un courant d'air.

Pendant un instant, l'homme poursuivit le tatouage en silence. Ils partagèrent ce moment dans un mutisme respectueux, sachant très bien tous les deux que la profondeur de ce sujet n'avait pas de fin.

- Tu sais, Ezrah, cerrtaines personnes nous entaillent si prrofondément qu'une vie entière n'est pas asser pourr en guérir. C'est douloureux, vay, mais c'est la vérrité.  

Il prit une petite pause tout en déposant un peu de mixture sur la plaie avant de la frotter délicatement et de poursuivre. Il s'affairait à tracer un large cercle entouré de petits points.

- Tu as encorre beaucoup de choses à vivre, beaucoup d'expériences qui forgerront ton esprrit de même que ton êtrrre. Ne te ferrme pas aux possibilités. J'espère que tu le comprrendras et je souhaite sincèrrement que cela ne te prrrenne pas toute une vie pour l'accepter. Garde le cœur ouvert et laisse ta patience décider de qui tu laisseras entrrer dans ton cœur ainsi que dans ta tête. Le passé n'a pas de pouvoirr sur l'avenir et parrfois, l'avenir n'est pas façonné parr le passé. C'est toi seule qui décide de ton propre destin..

À nouveau, l'homme prit une pause pour nettoyer la peau endolorie avant de continuer le motif avec précision.

- Et lorrsque tu chercheras rréponses à tes intérroguations, sache que le Roi-Soleil aura déjà trracé ton chemin et tes rrencontres. Cerrtaines personnes te feront souffrir plus que d'autrres mais tu dois toujourrs te rappeler qu'elles font aussi partie de ton parrcours. Et un jourr, on comprend pourquoi cerrtaines personnes nous semblent si familières dès notrre rencontrre. Comme si nos âmes s'étaient heurrtées il y a de nombreuses années et qu'elles reprrenaient là où elles s'étaient arrrrêtées.

Elle cligna des yeux quelques fois, chamboulée mais toujours silencieuse.

- Depuis sa mort, j'ai passé les moments les plus difficiles seule, alorrs que tout le monde croyait que j'allais bien.. souffla-t-elle, le regard fixé sur l'horizon, visiblement perdue dans ses pensées.

- Je sais mon enfant, je sais..