Sujet: [BG] L’aube d’une nouvelle existence Ven 11 Sep - 9:06
Tout était si simple.
La voie était toute tracée, sans courbe ni chemin tortueux, claire comme un soleil de printemps. D’aussi loin qu’elle se souvenait, cette Daëlwena à la peau dans les teintes les plus sombres de sa race avait toujours manié un arc. Enfant, son arc de bois était son ‘jouet’ préféré, faisant la joie et le bonheur de ses parents qui l’encourageait dans cette destinée. Ils la voyaient déjà parcourant les forêts et abattant les intrus qui osaient venir fouler leur forêt sacrée de leurs présences impures.
Et puis.
Et puis elle s’était éveillée, à l’aube de son centenaire, étendue le visage contre la mousse salvatrice, mais humide, d’un sous-bois en plein cœur d’Ilidelwis. Que s’était-il passé? Sa tête pulsait, sans qu’elle ne ressente réellement de douleur. Hébétée, elle s’était assise lentement, tout en cherchant ses repères dans ce boisé qu’elle avait pourtant parcouru des milliers de fois.
Bien qu’elle avait le sentiment profond d’être en sécurité, la jeune Daëlwena sentit aussitôt qu’il lui manquait quelque chose. D’un geste rendu nerveux par ce sentiment étrange d’être amputée d’un bien qui lui est cher, elle vérifia rapidement son équipement ; son arc, carquois, harnois, tout y passa jusqu’au plus profond de la besace qui quittait rarement son épaule. Rien ne semblait manquer, et pourtant elle le sentait, quelque chose avait changé. Quelque chose manquait.
Toujours incertaine quant à ce qui se passait, la tête lourde suite à un évènement dont elle ne gardait aucun souvenir, elle s’assura qu’elle ne portait aucune blessure, physique du moins, mais l’absence de douleur l’avait rassurée déjà, et c’est perdue dans une grande perplexité qu’elle finit par se relever d’un geste gracieux, n’ayant au moins rien perdu de la grâce de son peuple.
Ses grands yeux verts se portèrent alors vers les bâtiments feuillus qui composaient la cité et son esprit se figea ; elle savait qu’elle était au bon endroit, mais elle ne reconnaissait plus rien. Un long frisson d’épouvante courut le long de son échine. Ce vide dans son esprit semblait engloutir sa capacité à raisonner et c’est presque tremblante qu’elle s’était dirigée vers la cité, cherchant une main secourable qui saurait écouter son récit décousu et possiblement l’aider, qui sait?
Les jours qui suivirent furent les plus pénibles que la petite Celyëwen, avait connus… Rien ne lui semblait familier, tous les visages étaient nouveaux, mais encore pire… ses mains la trahissaient. Elle qui devait devenir l’élite des Gardiens d’Ilidelwis (du moins selon ses parents!) devait réapprendre tout depuis la base…
Le sol semblait s’être ouvert sous ses pieds, et le chemin lumineux qui s’étendait auparavant devait elle avait fait place à un sentier brumeux, où la seule lumière provenait d’une main tendue qui la guidait, mais vers quoi? Seule Lysaelle le savait.
Celyëwen
Messages : 326 Date d'inscription : 13/03/2018
Sujet: Re: [BG] L’aube d’une nouvelle existence Ven 13 Nov - 14:09
L’absolution.
D’un geste gracieux ses doigts délicats s’écartèrent et la fine étoffe qu’elle tenait tomba sur le sol, sans un bruit. Seul le croassement d’une corneille se fit entendre au loin, tranchante dans le silence immobile qui régnait dans la pénombre du sous-bois, ou la toute menue Daëlwena se tenait maintenant nue face à un sombre petit étang.
Depuis un long moment déjà elle avait senti cette poussière la couvrir, comme une maladie qui gagnait lentement du terrain, ternissant sa peau, son âme.
Un frisson hérissait déjà son derme vert feuille, la caresse, quoique la gifle serait plus juste, de la brise printanière qui réussissait à se glisser entre les arbres centenaires avait cette poigne cinglante qu’elle perdrait quand l’été serait enfin là, et le feuillage n’était pas encore assez touffu pour retenir ce vent glacial.
Avançant lentement, l’être sylvestre posa un premier pied à l’eau, puis un second, l’étreinte glacée lui cuisant déjà l’épiderme, elle en échappa un bref soupir soufflé entre ses lèvres à peine entre ouvertes.
Elle redressa un peu le menton, son air têtu prenant le dessus sur la douleur. Elle se devait de savoir et de laver cette souillure qui la couvrait, comme une tache qui même si toujours dissimulée, devenait de plus en plus lourde à porter.
D’un mouvement lent, elle avança de nouveau dans cette marre noire et glacée, l’eau avalant maintenant la nymphe jusqu’aux genoux, puis lentement au fil des pas de la Daëlwena, elle l’engloutit, jusqu’à ce que seule sa tête demeure hors de l’eau. Inspirant longuement avant de murmurer une lente prière à Lysaelle, la toute petite ferma ensuite les yeux et se laissa soudainement enfoncer dans les profondeurs de l’élément frigorifiant.
Un léger clapotis en résultat, et la corneille cria au loin, mais la belle était maintenant disparue sous la surface de l’eau et le silence lourd retomba dans la pénombre de cette forêt éternelle.
Une certaine hébétude envahit alors Celyëwen, le froid, après l’avoir mordue comme un milliers de bouches dentées et voraces, engourdissait doucement ses sens, sa peau, son corps et son esprit. Elle flottait entre la vie et la mort, prise dans un étau glacé, alors que son esprit revoyait en une fraction de seconde tout ce qu’elle avait dû accomplir, sacrifice sur sacrifice, toujours en l’honneur de sa Déesse.
Elle avait besoin de cette absolution, de ce signe de l’être supérieur, de cette approbation tacite dans le seul fait d’être encore en vie. Ainsi, Lysaelle lui prouverait qu’elle suivait le bon chemin, qu’Elle l’approuvait, il ne pouvait en être autrement. Elle était, comme toujours, prête à tout en l’honneur de Lysaelle.
La main glacée de la mort se refermait lentement sur l’esprit de la Daëlwena, mais ses peurs la quittaient, comme l’éclairci en un jour sombre et nuageux, quand enfin la brise se lève et pousse les nuages au loin… Elle sentait cette ombre, ses doutes, la quitter lentement, alors que son cœur ne battait plus que très lentement.
Un éclat lumineux la fit sortir de sa torpeur; était-ce le signe qu’elle attendait…? Ou était-ce le dernier spasme de vie en son corps qui ne voulait pas mourir ? Quelle qu’en fut la source le résultat fut instantané et c’est en cherchant son air qu’elle ressortit la tête de la surface dans une gerbe d’eau qui fit comme un bruit de fracas dans le calme ambiant.
Pour la petite verte c’était sans équivoque; Lysaelle avait parlé, son destin se dessinait toujours devant elle, son œuvre n’était pas terminée…
La devin se devait de l’écouter. Frigorifiée, mais avec un sourire serein aux lèvres malgré ses dents qui claquaient - qui l’aurait vu alors aurait probablement douté de son équilibre mental au vu de la situation - elle s’extirpa de l’eau, alors que même les fourrures douces qu’elle jeta sur ses épaules lui arrachèrent une grimace de douleur tant sa peau était restée marquée par le froid de son bain rituel.
La corneille croassa au loin, et un léger bruissement s’ensuivit; le volatile avait pris son envol.
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