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 BG - La Luciole

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Luciole

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MessageSujet: BG - La Luciole   BG - La Luciole EmptyVen 11 Sep - 17:25

Une luciole dans la nuit
L'été d'Endicia

C’était l’un de ces étés pesants et mauvais, où le soleil se faisait impitoyable. Cette année-là, la chaleur humide avait fait fleurir non point les récoltes de l’Hastanie, mais plutôt mille et une pestes et maladies. Les Gorlaks, comme animés par le feu de cet été de braise, avaient multiplié les raids. Certaines fermes, ainsi que leurs champs, s’étaient embrasés comme de l’étoupe dans la grande sécheresse. En ville, en particulier dans les bas-quartiers, le spectre de la faim avait bientôt suivi. C’était l’un de ces étés ou Endicia, la lune mortifère, était sise au pinacle des cieux, posant son grand œil livide sur tous petits et grands malheurs de l’Empire.

Dans la canicule étouffante, l’échine du fossoyeur ruisselait de sueur. L’homme entre deux âges pelletait, sans discontinuer, malgré la fatigue et le désagrément. Il le fallait bien. Les corps tendaient à s’accumuler, lorsqu’Endicia maudissait les cieux de sa présence.

Malgré l’empressement des cléricaux et des fossoyeurs à l’embauche, ces cadavres s’empilaient, et maculaient déjà leur linceul en à peine une journée. Le fossoyeur s’appuya un instant sur sa pelle, reprenant son souffle et contemplant son œuvre. Cet été était de ceux qui avaient donné son nom à son corps de métier. Tous les pauvres hères sans moyens, bénis à la va-vite pour leur périple vers le Lysée, finiraient par reposer ensemble dans la grande fosse qu’il venait d’achever dans un coin du cimetière.

Poussant un soupir, Gontran le fossoyeur se hissa hors du trou qu’il venait de creuser. Paré à la triste tâche qui l’attendait, soit de faire rouler les corps vers le lieu de leur dernier repos, la surprise le figea sur place. Au milieu de la pile de cadavres, il aperçut un mouvement.

Il brandit sa pelle comme une arme. Il y avait bien des années qu’il n’avait pas manié l’épée, mais il avait gardé la forme et la vaillance pour faire un acte de compassion, et renvoyer à Lakkak une pauvre âme qui aurait été dérobée à la douce éternité du Lysée.

Mais Gontran n’était pas au bout de ses surprises.

Puisque dans la pile de corps, il ne découvrit pas une abomination morte-vive, ou quelque créature occupée à se repaître. Eh non! C’était le mouvement d’un nourrisson qui avait attiré son attention. Même dans la lueur incertaine de la vilaine lune, il put relever que ce bébé était différent du commun des mortels, ne serait-ce par sa couleur orangée, ou la présence de petites ailes translucides qui perçaient, incongrues, au dos du poupon vêtu seulement de langes.

Il fallut une bonne minute au fossoyeur pour se remettre de sa trouvaille, qui l’avait bien émotionné. Il en fallut une autre pour qu’il pense à nouveau droit. Ce fut le vagissement de l’enfant qui lui rappela l’impératif de l’action.

Puisqu’en Hastanie toute chose a sa place, Gontran le fossoyeur s’empressa de séparer le mort du vivant. Rejetant sa pelle, il ramassa l’enfant et le posa en sûreté, loin de ce qui faisait office de sordide berceau.

Vieux garçon qu’il était, rien ne le préparait à s’occuper d’un poupon.

Était-ce là Kordaken le juste éprouvant la moralité de l’homme de peu qu’il semblait être pour mieux le juger? Le destin retors qui se jouait de lui en mettant sur ses bras un improbable enfant? Ou une triste coincidence, l’ayant fait croiser le chemin de cette enfant dont les parents n’avaient guère voulu, peut-être imaginée maudite pour être née sous la mauvaise lune, ou avec une paire d’ailes en trop? Tant de questions se posaient, et le fossoyeur n’avait en lui qu’une réponse : l’impulsion de faire ce qui semblait juste.

Peut-être est-ce pour se laisser le temps d'y réfléchir qu'il ne délaissa malgré tout pas son devoir cette nuit-là.

Une fois son labeur terminé, il récupéra l’enfant assise parmi les pissenlits que les défunts mangeaient par la racine pour la ramener chez lui, dans les bas-quartiers.

« Gontran, qu’est-ce que c’est que ça? » - le héla une voisine au petit jour, en le voyant passer.
« Rien qu’une luciole que j’ai aperçue en travaillant… La bonne journée, ma lans. »

Et en Basse-Ville de Citria, le surnom était resté à cette enfant : Luciole, la fille du fossoyeur.


Dernière édition par Luciole le Ven 11 Sep - 18:56, édité 1 fois

Compte à suprimer, Antonio De Rossignili, Ekatereliae, Nargolith, Zémyr de Damoclès, Hast et Iridia, Nébulix aiment ce message

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MessageSujet: Re: BG - La Luciole   BG - La Luciole EmptyVen 11 Sep - 18:49

Par la Grasse et la charité…
Basse-Ville de Citria, il y a de cela plus de vingt ans

Il n’avait guère fallu bien longtemps au pauvre Gontran pour réaliser qu’il avait, de loin, sous-estimé les implications de son geste charitable.

Une simple demi-journée, le temps de n’avoir pu trouver le moindre repos ni une once du sommeil du juste, avait suffi. C’est donc en fin d’après-midi qu’il vint cogner à la porte de sa voisine.

Une femme replète, pour qui les années n’avaient guère été tendres, se présenta sans tarder dans l’embrasure. Depuis la porte, Gontran entendait le chahut, pleurs, rires et disputes d’une marmaille trop abondante, entassée dans l’unique pièce de la masure. Réglée comme une horloge kardare, cette voisine donnait naissance à chaque printemps à un nouvel enfant, suivant la permission annuelle du solstice d’été de son légionnaire de mari. La demeure grouillante était l’une des raisons pour laquelle son cher et tendre ne demandait guère davantage de permissions à ses supérieurs, et préférait à son propre foyer le confort spartiate du poste avancé à la frontière gorlake.

« Grâce, Grâce, il faut m’aider! »

Et en ce contexte-ci, « Grâce » était autant une supplique qu’une interpellation. Car cette femme qui se tenait dans l’embrasure se nommait bel et bien Grâce. En son jeune temps, lorsqu’elle faisait tourner les têtes au campement de la Flamme Dansante, c’est un nom qu’elle portait bien et avec fierté. Mais, cela faisait bien des années que le voisinage l’avait rebaptisé « Grasse ».

Et d’un cri du cœur, Grasse vint sitôt répondre :

« Oh que cestes! Ne vois-tu pas que j’en ai déjà plein les bras, et je jure par Imeris, plein le dos! Je ne prendrai pas l’enfant que tu as ramassée chez moi! D’autant… ce bébé… cette chose te portera malheur! Endicia nous nargue nuit et jour cet été, et ce poupon ramassé a bien dû naître sous cette lune! Kordaken me garde, j’ai bien assez de chagrins à mon compte sans appeler la catastrophe et attirer le malheur sur ma maison. En un mot comme en cent, vieux lans… Cestes. Cestes. Cestes! Reporte cet enfant là où tu l'as trouvé! »

« Mais, ma pauvre lans! Chère Grasse! Ce n’est guère ce que je voulais te demander! Ceste pas. Mais plutôt, si tu voulais bien m’épauler pour les prochains mois. Car à la vérité, et ça aussi Imeris le sait, Kordaken m’a ainsi fait sans les atours qu’il faut pour nourrir ce nouveau-né! »

La massive femme, campée dans le cadre de sa porte, jaugea le fossoyeur, impérieuse et placide comme le serait le Juge des Juges sur son trône céleste. Et ainsi qu’on put l’attendre, jugement fut rendu sous forme d’une curieuse sentence, mais ô combien commune.

« Il faudra payer. »

Gontran soupira du nez. Il n’était pas bien riche, et son salaire modeste assurait tout juste sa pitance et le loyer de sa masure. Un regard dans la maisonnée que la grosse femme ne parvenait pas tout à fait à masquer de sa carrure lui permit pourtant d’apercevoir une pièce qui semblait suinter la misère par tous les murs.

C'était attendu, l'or sonnant et trébuchant pouvait ouvrir bien des portes, et fléchir quelques convictions, surtout en Basse-Ville.

Il aurait pu protester. Dire à Grâce qu’il avait enterré à ses frais le quatrième fils du ménage, fièrement enrôlé dans la légion en hiver et péri sous lame de Gorlaks au printemps de la même année. Qu’il avait aussi payé la messe et couvert l’enterrement de sa cinquième fille, vaurienne si délurée que même le Clergé n’avait vu son salut que sur la potence et au Lysée. Et il avait même assumé les obsèques du dix-septième enfant, un bambin parti rejoindre le royaume du Juste au jour même de sa naissance : sans doute avait-il vu la misère qui l’attendait et s’était-il dit que son âme serait mieux dans ce bienveillant au-delà. Bref, Gontran savait qu'il avait par cent fois payé son dû à Grâce et sa maisonnée. Mais, il tint sa langue. Il voyait bien que les miettes de salaire que le légionnaire envoyait à la maison ne suffisaient guère, et miséreux qu’il était, s’il se comparait à sa voisine il vivait comme un baron.

«  Ci-fait. Esta. Je paierai ce que je pourrai. Jusqu’à ce qu’elle soit sevrée. »

« Ce bébé est un porte-poisse, Gontran. Même contre une poignée d’or, ce ne sera pas un moment trop tôt. »

La grasse voisine se trouva à répondre, les lèvres pincées en une moue désapprobatrice. Le fossoyeur défia sans fléchir sa voisine d’un regard sans appel, lu plus souvent dans les yeux d’hommes d’armes et de convictions qu’en ceux des petites gens. Peut-être avait-il fait une erreur en recueillant un nourrisson au hasard des choses, mais fierté hastane oblige l'homme semblait maintenant campé sur sa position, prise au nom de ce qui était juste.

Et ainsi, par la grâce (ou la Grasse) divine ou temporelle, et dans un mélange de bonnes volontés plus ou moins convenues et forcées, l’incongrue enfant de la Basse fut assurée de subsister.

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MessageSujet: Re: BG - La Luciole   BG - La Luciole EmptyVen 11 Sep - 21:03

Amis de la « mouche » sont souvent dans le « besoin »
Basse-Ville, durant deux décennies et des poussières.

Elle avait grandi comme tant de bambins de sa condition grandissent. Les pieds dans la misère, et les yeux levés vers ce qui brille. Certains, en ce sens, se tournaient vers la lumière de la foi. D’autres, vers la rapine et l’appât du gain. Les uns comme les autres cherchaient ce qui leur manquaient. La probité chez les premiers, et la fortune chez les seconds.

Et notre pauvre papillon de nuit aurait sans défaut pu faire partie de ceux que l’or attire de ses lumières trompeuses, si ce n’était que son père d’adoption avait près de son cœur les valeurs Hastanes, et bien de la religion. Il ne payait pas de mine, pauvre hère à la vocation si disgracieuse que ceux qui ne le connaissaient s’écartaient de lui dans la rue, pour éviter de croiser de trop près celui qui côtoyait les morts au quotidien. Ceux qui le connaissaient, eux, ne pouvaient s’empêcher de s’interroger sur les raisons d’un homme juste et droit à pratiquer un métier si indigne.

Le Clergé et à fortiori l’Inquisition, qui se faisaient un devoir de garder un œil sur ceux qui passaient du temps au cimetière, que ce fut par devoir ou par envie, n’avaient jamais trouvé rien à redire sur le fossoyeur. Gontran prit toutefois de court son confesseur par trois fois. La première, en annonçant à brûle pourpoint qu’il avait adopté un enfant, et, par-dessus le marché, que cet enfant était une Nébulix d’Été. Le silence qui s’en était suivi dans la chapelle de la Basse-Ville avait été oppressant, et le confesseur en oublia même de bénir le fossoyeur avant de le quitter. Quelques années plus tard, le confesseur se fit demander des livres, idéalement approuvés par le clergé : des contes qui avaient pour morale quelque pilier des valeurs hastanes, ou relatait quelque bribe romancée sur la théologie ou le Saint-Empire. « Ah donc… » de demander le confesseur surpris, l’enfant vivait donc toujours à sa charge…? Des lettres étaient venues ensuite, toujours courtoises, suggérant au pauvre fossoyeur de confier l’enfant à un foyer ou un père, mais aussi une mère, pourraient la veiller. Des lettres confuses l’exhortant à faire « ce qu’il fallait », sans proposer de meilleures alternatives. Serrant les dents, et quelques années durant, le fossoyeur accumula ces papiers sans leur donner suite. Et lorsque la jeune fée eut dix ans, il surprit son confesseur pour la troisième fois en posant sur l’autel une pile de parchemins épaisse comme un grimoire. Pour cette confession-là, il n’eut qu’un mot, une réponse à toutes ces requêtes de sacrifice vide de réel sens : « Cestes. »

Il avait refusé de bon cœur, attaché à l’enfant désormais. Il aurait toutefois eu mille raisons de dire « Esta » à cette requête, et à passer le flambeau s’il avait pu trouver une famille qui eut voulu de l’enfant. Car les maladresses de la jeune fée devenaient notables : en cherchant à lui faire trouver sa future vocation, elle avait tant multiplié les gaffes, impairs et malentendus qu’il s’était mis à dos le ferronier, et brouillé avec la fruitière.
Mais à la vérité, rares auraient été les familles de la Basse prêtes à inviter à leur table une bouche de plus à nourrir. À fortiori quand la rumeur voulait que la jeune fée était née d’Endicia (si la Grasse avait bien des qualités, la discrétion n’en était pas une : elle était aussi friande de ragots que de ragoût). Quant aux bonnes et belles gens de la Haute-Ville, si tant est que l’opportunité se soit présentée, nul ne se serait réellement vu adopter la fille du fossoyeur!

Ainsi, comme à son habitude le fossoyeur fit le meilleur du pire. Le côté fantasque de la jeune fée pouvait l’attirer vers de bien trompeuses lueurs. Faute de trouver quelque chose que l’anté-prodige aurait pu faire de ses mains, il la pourvut de livres autant qu’il put, et faute d’action la jeune fée devint maîtresse des mots plus que de toute chose. Entre les pages, elle vivait les épiques aventures des braves chevaliers d’Hastanie, les émois déchirant des amoureux transis, les enlevants récits de diplomates dépêchés aux quatre coins de Terra et les tergiversations cléricales de dévôt épanchant leurs convictions en quelque livre que la majorité auraient jugé d’un mortel ennui. Mais, alors qu’elle avait passé l’âge de raison, son brave père se prenait parfois à pester qu’elle ne sut réellement rien faire si ce n’était que rêvasser.

Lorsqu’elle proposa pourtant à son père adoptif de l’accompagner pour lui prêter main forte, dès lors qu’il allait gagner sa croûte, elle fut reçue d’un catégorique « Cestes » sans plus guère d’explication. Son Père, à priori, préférait la voir oisive que dans sa partie. Non point prud’homme, il la protégeait ainsi qu’il le pouvait des du monde et de ses rudesses, gagnant leur pain à la sueur de son seul front, édifiant autour de la jeune fée un rempart d’ouvrages et de fables la séparant des dures réalités. Malgré tout, les affres du monde finissaient par s’infiltrer par les craquelures de cette forteresse d’innocence que le fossoyeur voulait bâtir. La Basse-Ville était ainsi faite.

Elle portait ainsi en son cœur les aventures vécues par d’autres, la dévotion pour un père que peu estimaient, et quelques amitiés de circonstances avec une poignée de galopins de sa trempe.

Ce quotidien précaire mais tranquille aurait pu se poursuivre ainsi, jusqu’à ce que n’arrive une cruelle année, toute faite de chamboulements.

C'était à prévoir.

L'innocence ne dure qu'un temps. Spécialement chez les miséreux.

Une mouche, fut-elle Luciole, tend à se retrouver dans la merde, et à voir ses pairs et égaux dans le même genre de besoin.

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MessageSujet: Re: BG - La Luciole   BG - La Luciole EmptySam 12 Sep - 3:49

Cour-ge
Citria et ses parages, automne de cette année

Il y eut d’abord le grand-mal, cette peste curieuse née de champignons proliférants que tout un chacun s’expliquait mal. Le labeur s’était intensifié pour le fossoyeur, qui passait désormais ses jours et ses nuits à disposer des corps que la peste fongique semait. Il se trouvait ramené plus de vingt années en arrière par les affres successives qui foudroyaient l’Hastanie. C’est durant cette peste que Lakkak, qu’il connaissait de près pour l’avoir cotôyé chaque jour des années durant, vint chercher le fossoyeur. Ceux qu’il escortait à leur dernier repos lui avaient fait un ultime cadeau : ce grand mal qui avait fait son ravage dans les bas-quartiers. C’est dans un dispensaire de fortune, avec bien d’autres comme lui, qu’il tendit la main à Lakkak pour être escorté devant le Grand Juge. Sa fée de fille avait connu quelques déboires et infortunes, mais rien qui put être comparé à ce chagrin, magnifié par l’annonce lancée, tout juste au lendemain de la nouvelle du trépas de Gontran, que le remède avait enfin été trouvé.

Ainsi, elle était seule et sans moyens, séparée à jamais de ce père à qui elle n’avait pu dire adieu.

Cela dit, un malheur n’arrive jamais seul…

« Tout le monde couché! Ordre de la légion! » avait-on beuglé, après un grand fracas qui avait laissé la porte d’entrée déboitée de ses charnières. La jeune fée, tétanisée, s’était jetée à plat ventre au sol, pendant que les légionnaires s’affairaient à mettre sans dessus-dessous la masure, vidant les tiroirs, retournant le lit, malmenant le parquet en quête de trappes dissimulées, et éventrant la seule armoire du logis.

« Mais… Que… Cessez…! »

Protesta-t-elle, futilement et timidement. Sitôt, le discours des justes emplit la pièce, et enterra les paroles de la pauvresse, la sommant au silence.

« L'on cherche l'enfant du centurion... Si vous avez vu ou entendu ou fait la moindre chose qui concerne cet événement, vous êtes priée d'aller le dire à la légion! Si nous apprenons que vous êtes impliquée de proche ou de loin! Vous serez condamnée à mort.... Suis-je assez clair!?  »

Et quand la mise à sac sembla complète, un légionnaire zélé vint même jusqu’à soulever les ailes de la fée et à la retourner du pied, pour voir si ce n’était pas sous elle ou contre son corps qu’elle aurait caché ce précieux trésor. Confuse, effrayée, la jeune fée regarda la paire de légionnaires sortir sans les voir, sonnée encore de cet instant qui l’avait tétanisée. Elle resta un long moment immobile, dans le raffut ambiant de la Basse tandis que les logis étaient retournés les uns après les autres pour retrouver le fils de Beauffort. Les cris de colère et de terreur, les protestations, les fracas des portes enfoncées et même les bruits de lutte avaient empli l’air. Puis, leur devoir fait, les légionnaires quittèrent le quartier, laissant plein règne aux pleurs, aux lamentations, au silence.

La jeune fée ne retrouva maîtrise de ses moyens qu’au petit jour. Elle contempla la dévastation de ce qui avait été son foyer. Elle se savait sans moyen aucun de payer le loyer, et le ravage du lieu signifiait que le propriétaire voudrait sans doute lui extorquer des réparations qu’elle n’avait pas un écu pour payer. Que devrait-elle donc faire, à quel point devrait-elle se bafouer, pour pouvoir rembourser un jour cette dette?

Au pied du mur, elle entreprit de se préparer un baluchon. La perspective du retour de la Légion l’effarait autant que l’irruption du propriétaire. Il lui fallait fuir. Frénétique, elle s’efforça de ramasser les ruines de son ancienne vie. Le seul véritable objet de valeur du logis, une haute épée à deux mains de Justicium, habituellement accrochée au-dessus de l’âtre, était tombée hors de son socle et reposait parmi les débris. La fée considéra de s’en munir, et abandonna vite l’idée : l’arme faisait deux fois sa taille et il était invraisemblable de penser la transporter. Avec un sourire doux-amer, elle prépara une note au propriétaire, la laissant en évidence sur l’âtre, pour l’avertir que l’arme se voulait paiement du loyer et quittance. C’était un objet dont Gontran prenait grand soin, sans jamais pourtant en avoir usage. Elle peinait à imaginer son père porteur d’une pareille arme, et avait toujours pris pour vérité ce que Gontran en avait dit : c’était un héritage dont il ne voulait se départir, mais dont il n’avait guère usage. Toujours, lorsque la curieuse enfant posait des questions, Gontran changeait obligeamment le sujet, et la jeune fée avait la décence de taire ses questions pour lui épargner du chagrin. Le regard de son vieux père se voilait toujours quand ce passé était ressassé.

La jeune fée ramassa quelques loques qui lui servaient de vêtements, chercha un quignon de pain qui s’était perdu parmi le fouillis quand la table avait été retournée, et tenta de sauver quelques-uns de ses livres favoris (en vain – la reliure du roman chevaleresque « L’impossible n’est pas Hastane » lui resta entre les mains quand ses pages s’éparpillèrent au sol).  Elle s’apprêtait à sortir, quand quelque chose attira son œil. Dans l’armoire éventrée et renversée, une révélation s’offrait. Cette armoire avait un double-fond!

Luciole hésita un instant, et la curiosité l’emporta. Elle tira des entrailles de l’armoire une poignée de parchemins, et une petite médaille de Justicium de la taille d’une pièce d’or.

Elle fit une lecture rapide des parchemins épars, à moitié dévorés par le feu, à moitié chiffonnés, maculés de larmes, raturés par endroit… Elles étaient le secret du fossoyeur, une trace de son douloureux passé, de cette histoire qu’il avait voulu emporter dans la tombe.

La lecture de ces missives, ce chapitre censuré d’une vie humble et rangée, coupa le souffle à la jeune Nébulix, et la laissa aussi ravagée que la précédente irruption de la Légion.


Inconnu a écrit:
Légionnaire Gontran de… *rature*


Mes plus respectueux avés.

Je vous contacte en ce jour pour infirmer une cruelle rumeur. J’ai ouî-dire par certaines sources tyrimaroises que ce serait vous qui avait tranché les mains de la diplomate nargolithe en terre neutre, sous prétexte qu’elle eut été praticienne de la nécromancie. Comprenez bien que cette accusation a été fermement déniée, et que cela compromet certaines initiatives de la diplomatie de l’Empire.

Je n’ose admettre qu’un homme de votre trempe eut commis pareil méfait et je vous exhorte à vous présenter aux bureaux de la diplomatie de la très sainte pour nous aider à faire la lumière sur cette affaire et à vous aider à laver la diffamation qui… *Le reste était déchiré*


Acturus a écrit:
Gontran, cher Gontran

Combien de fois vous êtes-vous dit mon frère d’arme, mon lans. Combien de fois avez-vous dit que votre âme faisait écho à la mienne? Que votre foi était aussi vive et intense que la mienne. Que votre vaillance égalait la mienne? Or, voici que vous désertez la légion, et vos nobles devoirs? Notre combat, contre toutes les engeances et la corruption qu’elles répandent. Vous fléchissez, pour accomoder une poignée de gratte-papiers qui prétendent, bouche en cœur, que la plume pèse plus lourd que l’épée. Devenez un mou. Un faible et un lâche. Ainsi je dis, concernant vos vaines palabres… Autant de paroles, autant de menteries.

Sauf si vous prouvez la véracité de vos mots. Et vous le ferez si votre foi et votre *la trace d’une larme brouillait le texte* est véritable.

Si vraiment vous êtes mon frère d’armes, vous saurez défendre les convictions que nous partageons, dussions-nous périr pour icelles. Si vraiment vous êtes dévoué à notre cause, si vraiment vous m’aimez comme vous prétendez le faire, vous saurez me rejoindre à *une autre larme tombée avait fait couler l’encre*

Souvenez-vous que sommes justes, que nos cœurs battent à l’unisson, et Cylia nous accueillera à sa dextre au Lysée. Nous n’aurons pas à rougir de nos convictions.

Acturus


Inconnu a écrit:
Sieur Gontran,

Avec tout mon respect, je vous écris malgré la recommandation de mes supérieurs, en tant que lans car j’en suis à me demander… Quel diable du Moldar vous pique? Rendre votre cape de la légion après votre écart, refuser de faire amende honorable, et vous engager avec une troupe de mercenaires prétendant agir au nom de Cylia? Avez-vous perdu la raison? Que vous massacriez Gorlaks et Mortanyss à foison avec votre bande de têtes brûlées, grand bien vous fasse. Même les Nargoliths, à la rigueur, on peut le comprendre et le pardonner au nom de leur hypocrisie inhérente. Mais, que vous leviez l’épée sur d’autres Hastanes sans l’assentiment du clergé? D’autres ont connu la chaleur du bûcher pour moins que ça. Je vous conjure, rentrez à Citria, demandez le pardon et la sentence du clergé. Pour avoir certaines informations acquises en confidences : vous êtes à deux doigts d’être désigné cœur noirci! Je vous en supplie, revenez dans le droit chemin, repentez-vous! Vous… *Le reste de la missive avait été rongé par les flammes*


Isobel a écrit:
Vous, Gontran, fils de chien, chiure de Gorlak, engeance de Terra,

J’ignore si ce messager vous trouvera. Encore moins si ma missive rendra à vous de quelque façon, vous qui vous terrez comme un pleutre en mercenaire, loin de la Blanche. Ainsi, je parlerai sans feinte et sans détours, pour que vous puissiez lire clair en mon âme si par chance ce courrier vous parvenait. Pour ce que vous avez fait subir à ma sœur, je vous souhaite mille morts. Si tant que notre saint clergé vous mette la main au collet, je prie toutes Ses grâces qu’on vous abatte comme la bête que vous êtes. Comprenez-moi bien, et permettez-moi de parler franc. Je vous souhaite de souffrir mille morts, ainsi que vous l’avez fait subir au sang de mon sang, pour une simple présomption. Kordaken m’en soit témoin, si l’on vous met au bucher, et j’aspire à ce que ce jour vienne plus tôt que tard, je me délecterai de voir la flamme de votre vie s’éteindre en votre regard tandis que le brasier purificateur vous consumera tout entier. Vous ne méritez pas le Lysée, et je devine d’ores et déjà que Malmoth vous attend avec impatience en sa demeure.

Bien vôtre.
Isobel


Jugement Clérical a écrit:
Pour les Crimes du Citadin Gontran

1.0 Les faits

[1] Le Citadin Gontran de *raturé* a été observé par de nombreux Hastanes d’honneur et lans du Saint-Empire portant atteinte à certains citoyens d’Hastanie sans que ne soit rendu jugement du très Saint-Clergé. Perpétrant une justice non point avalisée par le Très-Haut ou son culte, ce dernier s’est rendu coupable d’une pléthore de crimes majeurs envers des citoyens, lans ou contacts diplomatiques de l’Hastanie sans trop de méfiance, incluant torture, prise d’otages, brigandage. Le tout culminant avec le crime exceptionnel du meurtre d’une ancienne citoyenne, fille d’Hastanie, désormais résidente de la Neutre Tyrimar.

[2] Il a tenté d’écarter le culte du Protecteur dans des affaires de mœurs et d’hérésie, osant substituer son jugement et celui de son groupuscule, les Fils de Cylia, à celui des ecclésiastes et ne leur faisant pas confiance pour accomplir la volonté de Kordaken, dont ils sont porteurs.

[3] Ces actions ont toutes été commises sans en parler aux membres du Saint Clergé, pourtant toujours accessibles. L’ancien légionnaire a préféré prêter des intentions négatives aux servants de la Lumière sans chercher à présumer qu’ils avaient de bonnes intentions ou à vérifier les faits. Présumer de l’honneur des autres hastanes vaut pour tout hastane, mais doublement à l’endroit de ceux qui portent le message du Divin.

[4] L’ancien légionnaire participe à des actes avec des moeurs sexuelles inappropriées (formariage, entre hommes) tel qu'il fut apporté à l'attention du Clergé par de nombreux fervents du Juste, dont l'opinion a primauté sur celui du Défendeur.

*Le reste du jugement clérical avait été consumé par les flammes*


Inconnu a écrit:
Gontran,

J’ai pris en ce jour connaissance du jugement de notre Saint Clergé.

Soyez conscient, c’est là le dernier pli que j’entend vous écrire. Je me ferai bref, car il ne me reste plus qu’une chose à vous dire en tant que pater familias :

Vous avez déshonoré de par trop notre nom. La branche malade de l’arbre généalogique a été tranchée.
Je n’ai plus de fils.

Ne prenez pas la peine de m’écrire. Vous n’êtes pas sans savoir que je ne dignifierai jamais un héritique et un étranger d’une réponse.

*Le reste du pli avait été mis en pièces*



Inconnu a écrit:
Gontran,

Malgré la sévérité de vos crimes, j’estime qu’une voie vers le repentir peut être tracée, ainsi que statué en votre jugement. Puisse votre dévotion ne jamais fléchir, et ne puissiez-vous jamais briser vos vœux d’obéissance, d’humilité, de chasteté et de pauvreté.

Kordaken, toujours, vous observe.
Souvenez-vous en.

En ce qui nous concerne, nous nous verrons toutes les semaines pour l’année à venir, et tous les mois autant que nous vivrons. Vous n’êtes pas sans savoir qu’un manquement à ces rendez-vous pourrait avoir des conséquences radicales.

Votre confesseur.



Le drame qui s’était joué sous ses yeux, en quelques bouts de papiers, l’avait laissée suffoquée. Elle remballa ces parchemins avec le quignon de pain et ses deux ou trois vêtements et la médaille de Justicium, oubliant le reste derrière, étranglée qu’elle était de chagrin. Elle fila sans s’arrêter, aussi loin que ses pattes voulurent bien la porter, jusqu’à une ferme écartée de la Blanche. Au lendemain, elle se proposa comme journalière et avec l’été qui venait elle fut recrutée sans hésitation contre gite et couvert. Sans compétences et sans grande force, elle se voyait confier tâches répétitives et bêtes, qu’elle complétait sans plus de conviction qu’il ne fallait. Une fois seulement on l’avait questionnée sur ce qui l’avait amenée dans ce coin de campagne, puis voyant l’émotion monter les fermiers avaient sitôt désamorcés l’affaire et changé de sujet en moins de temps qu’il ne fallait pour le dire : les récoltes ne pouvaient souffrir de délai, ce n’était guère le moment de pleurer ou de se dorloter. Et dans ces tâches monotones et moroses, la Nébulix ressassait cette soirée ou le monde s’était écroulé sous ses pieds. Ce soir ou elle avait à la fois perdu son logis, belle part de son innocence et la mémoire immaculée de son père. D’un homme qu’elle savait intrinsèquement bon, mais dont la voie s’était pavée de douloureuses erreurs… Dans ses sombres pensées, elle repêchait un objet qu’elle avait tiré de l’armoire à double-fond. Non pas l’une des sordides missives! Mais plutôt la médaille de Justicium, un souvenir de son père d’adoption, un hommage à sa mémoire déjà trop malmenée.

La vieille médaille élimée, présentant la grande épée de Cylia d’un côté et le profil d’un antique empereur de l’autre, était frappée d’un mot à demi effacé. C’était de ces écus que les empereurs des temps anciens distribuaient à pleines poignées dans la foule au jour de leur sacre, promouvant l’une ou l’autre des vertus qui leur tenait à cœur. Cette pièce, qui prêchait le courage en toutes lettres, s’était usée au fil du temps, serrée et frottée par Gontran et ses pères dont il l’avait hérité.

Du mot « COURAGE » qui la frappait autrefois, il ne restait plus que « COURGE. » C’était ce qui lui restait. Et c’est sur ce mot qu’elle prit, l’automne venu et le temps des récoltes achevé, le chemin de Citria. Fallait-il qu’elle soit gourde, pour oser?

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MessageSujet: Re: BG - La Luciole   BG - La Luciole EmptyMer 16 Sep - 16:19

Conflit de canard
Basse ville de Citria, les quais

Semblait-il que tout Citria avait pour endroit de ressourcement une petite plage voisine, extension des campagnes et des vertes plaines. Sauf la petite fée, qui avait elle-même son propre lieu de méditation qui n'était pas des plus orthodoxes. Loin du parfum des fleurs, mais bien près du chant de la mer, elle-même se retrouvait pour penser à la vie.

Cette vie qui avait été, depuis une semaine seulement, si pleine en retournements.

Déjà, elle mangeait tous les jours à sa faim et ce grand changement aurait déjà révolutionné sa vie en soi. Mais, c'était sans oublier que Kordaken avait le sens de l'humour, et semblait vouloir répondre à chacune de ses prières par deux fois.

Elle avait rêvé tout haut de visiter un palais. Et un jour, on lui fit juste comme ça visiter deux châteaux.

Elle avait rêvé tout haut d'avoir une cause, de pouvoir avoir moyen d'aider ceux qui avaient pâti. Et en un jour, elle embrassa celle des Nébulix, comme celle des plus petits au sein de la Foi du Zhel.

Elle avait rêvé tout haut d'aimer et d'être aimée. Ah cette requête, Kordaken la lui aurait fait regretter...! Car au même jour, elle avait fait la rencontre de Zémyr Grande-Épée et de Mathias de Montfort, des hommes fort différents, qui au lendemain s'étaient -tous les deux- déclarés.

Ainsi, la petite nébulix devisait depuis les quais toute seule, dans le raffut des lieux. Ailleurs, on l'eut cru peut-être folle, mais dans le tumulte de la Basse, son grain de folie se noyait dans les soliloques de ceux cuvant leur boisson, ou ceux que Kordaken n'avait pas doté de toute leur raison et qui finissaient dans ce coin de misère à hurler tout haut des répliques à des interlocuteurs présents juste en leur caboche amochée.

Elle s'adressait, réfléchissant tout haut, à un oiseau qui flottait dans les eaux grasses. C’était commun pour les rêveurs, druides et forestiers de parler aux bêtes, et c’était d’autant commun pour les fées des bois que de parler aux gentilles créatures de la forêt. Mais bon, la fée de la Basse-Ville faisait avec ce qu’elle avait, et les créatures pour répondre à ses épanchements n’étaient pas si jolies que celles qui, dans les contes, répondent aux chants mélancoliques des belles princesses.

L’oiseau qui lui servait d’interlocuteur était un gros canard à mauvaise mine, qui repêchait son diner parmi les détritus qui flottaient. Il lui fallait se confier, mais elle ne savait guère à qui. Les moines aux voeux chastes n'auraient sans doute rien à lui dire! Les autres nébulix ne comprendraient sans doute pas la nuance de l'amour hastane. Et les gens bien importants de Citria, qu'auraient-ils à faire de ces tourments bien badins, en comparaison des drames qui se jouaient définissant l'avenir de tout-Terra!

Ainsi, la fantasque fée en mal de confidents se prit à parler à un canard.

Les gens du port avaient appelé l'oiseau Bourgmestre, et récemment il avait été rebaptisé Baron, pour sa semblance avec le gros monsieur, en son volume, son allure bourrue, et son appétit.

« Ah Baron. Est-ce le fruit de mon voeu d'être normale? Que d’être aimée de deux hommes à la fois, malgré moi et d’un coup? Est-ce dont le lot de tant de damoiselles? Je n’ai pas voulu cela, vous savez… Peu importe ce que je choisirai, qui je choisirai, inéluctablement, je ferai mal à l’un d’eux. Aurais-je dû faire vœux de chasteté et de célibat comme tant de frères ou sœurs? Ainsi m’assurant de ne blesser jamais personne… Ai-je été égoïste, Baron? »

« Quack. » de répondre placidement le canard.

Observant le volatile aux plumes ternes, elle répondit de plus belle, s’épanchant.

« Messire de Montfort est une âme pure, malgré sa si récente chute… Il est si bon, si candide… Je sais qu’un mensonge ne saurait franchir ses lèvres, et qu’en étant homme d’action, il parle par ses gestes et non comme un grand lettré mais pour les choses de l’amour, cela importe-t-il? Sa tendresse, sa bonté, son dévouement, et ses sentiments naissants se lisent comme en un livre ouvert. Ses gestes… sa personne… suffisent bien à me causer de l’émoi. Il m’a atteint comme nul autre, a éveillé des choses que je ne pensais guère vivre, sentir et ressentir, sans même que nous n’ayons échangé un baiser… »

Avouerait-elle au canard qui, de toute évidence, n’écoutait pas un traitre mot de ce qui se disait. Il nagea vers une flaque trouble qui flottait dans l’eau huileuse, sans doute un matelot avait-il rendu son déjeuner une fois au port et le canard savait qu’il ferait bombance…! Tout à la dégoutante promesse de son banquet, il n’avait pas un œil pour les joues rouges de la nébulix, perdue en pensées peut-être pas toutes Kordakiennes…

« Mais… deviendrais-je comme la Grasse? Qui elle aussi, de six prétendants, a choisi le légionnaire beau, grand, blond et musclé? M’abandonnera-t-il comme elle à ses devoirs, au mur, en son temps, me laissant me boursouffler et me flétrir? Et quoi de l’affaire d’Anastasia… dont Zémyr m’a parlé, et dont Mathias ne semble pas m’avoir tout dit… A-t-elle vraiment été mise en prison, pour un acte de luxure avec icelui, comme la rumeur voudrait…? Il faudra que je parle au moine Lockheart. Peut-être. Vrai, vrai… »

Avait-elle raisonné, renvoyant à son interlocuteur ailé et plumeux le fond de ses pensées, trouvant de la raison dans son dialogue à sens unique.

« Quant à messire de Grande-Épée, sa voie est celle de l’Inquisition. Trouble, et terrible. Tragique, comme ne peut l’être que celle des Sacrifiés. Serais-je mieux à ma place, à ses côtés, pour apaiser tous les tourments de l’âme qu’il est voué à avoir. Lui et moi somme férus de mots… nous parlons, disons, devisons jusqu’aux petites heures de toutes les choses du monde, sans avoir de cesse, sans pouvoir nous arrêter, volant comme deux papillons de nuit ensemble, butant l’un sur l’autre, dans la douce lumière de la foi et des connaissances. Avec lui je me sens voler qand nous débattons des heures durant, sans voir le temps passer tant la conversation est riche et prodigieuse… Et pourtant… Il en appelle à mon esprit comme Mathias en appelle à mon enveloppe charnelle. Zémyr a-t-il raison de dire que nous sommes faits l’un pour l’autre? Que l’amour n’est point l’attirance… Lui qui a même rejeté avances de belles bien plus avenantes… Dans quelle situation cela me mettra-t-il, d’avoir, ainsi qu’il dit, pris la clef du cœur de celui qui a rejeté la femme la plus puissante de Citria. Je serais pas un peu dans la merde, Baron? »

Le canard s’emporta. « Quack, quack! » La jeune fée éleva les yeux vers la bête qui se débattait dans l’eau trouble, gonflant ses plumes et faisant du bruit. Il cherchait à éloigner une belle mouette qui lui enviait sa pitance, et ses protestations n’avaient rien à voir avec le propos tenu.

« Tu as raison… Peut-être pas. Mais n’empêche… En trois jours, deux hommes qui devant l’Empereur se présentaient avec demoiselle à leur bras m’offrant leur cœur… Deux hommes dont la voie est si liée… Pour peu ce serait moi qui leur tiendrait la chandelle… Il y a quelque chose de pas net… Je le dis. Kordaken, en votre haut-siège, votre saint-trône, je vous demande sans penser à mal si vous ne vous foutriez pas un peu de ma gueule, quand même. Juste un peu. »

Conclut-elle en un soupir, pendant que le canard montrait son arrière train flottant comme un bouchon, se repaissant avec délectation des débris peu ragoutant.

Elle examina le volatile qui l’ignorait somptueusement. Il lui fallait rendre une décision, un jugement, et elle ne savait que faire. Son cœur balançait, car chacun des deux hommes avait ses mérites, son affection, et faisait un bon parti à sa manière. Peut-être devrait-elle parler au vrai Baron de tout ceci. Homme de raison et de pragmatisme, peut-être serait-il effectivement de bon conseil. Cela le changerait très certainement des autres épineuses questions sur lequel le Magistrat était forcé de se pencher.

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