Missive pour Xas'Sy, Membre prioritaire du conseil des Drakans

Eramorn s'était éclipsé de la vie quotidienne d'Hishtals depuis la séance du conseil des sages. Sa quatrième mue ayant débutée plus rapidement qu'il ne s'y attendait, le Drakan en avait profité pour s'enfermer dans la librairie sous le temple, et méditer. La pousse de ses cornes le faisait souffrir abondamment, beaucoup plus que ne lui avait laissé présager ses études en anatomie drakanne. Plus les journées avançaient, et plus il lui semblait impossible de se concentrer sur la traduction de livres qu'il avait amorcée quelques semaines auparavant. Il vint certains moments où la douleur devenait insurmontable, périodes pendant lesquelles il s'exilait quelques heures dans les marais en dehors des prémices de la Cité, de peur que la souffrance ne réveille en lui des instincts bestiaux.

Un soir que la douleur était particulièrement insupportable, Eramorn ne vit d'autre choix que de passer la nuit dans la tourbière, incertains qu'il parviendrait à y survivre sans perdre la tête. Il lui vint alors une soudaine épiphanie, et, comme si l'impulsion était plus forte que la douleur, il se mit à écrire dans son journal. Il écrivit ainsi pendant plusieurs heures sous la clarté de Félicia, et la douleur s'estompa sans même qu'il ne s'en rende compte.

Lorsque vint l'aube, le Drakan aux écailles bleu-gris se réveilla la plume à la main, ne sachant trop quand il s'était abandonné au sommeil. Près de son journal, une missive qu'il avait été écrite de sa main n'attendait plus que d'être envoyé à son destinataire.

Xas'Sy a écrit:

Noble et sage Xas'Sy.

Ô, confrère, je ne doute point que vous connaissez les méandres dans lesquels l'esprit d'un Drakan peut se perdre.
Hishtals m'a parlé hier soir, moi qui se croyait le martyr de son propre coeur depuis la dernière lune.
Oublié dans les marais, sous l’œil bienveillant de Félicia, la Mère a pansé les maux qui me hantaient en m’inspirant conseil et sagesse ;
Mon esprit est tel un chariot tiré par un boeuf, et si le coché ne sait le maîtriser, le boeuf a tôt fait de le mener à sa perte.
Or, Hishtals m'a appris à aimer celui-ci, et à lui pardonner.
Donné qu’il n'est pas venu au monde afin de tirer une voiturette, et qu’il est normal qu'il cherche à retrouver les siens.
Indulgent Sshero, il ne fait nul doute que le Xuan, qui a illuminé ma naissance à travers Félicia, et qui m'a suivi pendant chacune de mes mues, guide mon coeur.
Vraisemblablement, si la voie du conseil est la mienne, je ne pourrai dire.
Il en va de votre immense sagesse de prendre cette décision.
Néanmoins, je ne peux que vous faire part de mes convictions.
Ainsi, sachez que chacun de mes pas est pris dans le respect de nos traditions et pour le meilleur de mes confrères.
Les Aldens m’en soient témoins que je possède une gratitude infini envers mes aïeuls sur qui les fondations de notre culture reposent.

Ô, mentor, que la Mère vous inspire une paix intérieur et vous mène à l'Équilibre

Votre sshero,

Eramorn Trynnicus