Le premier jour le vent du sud lui amena un murmure, le second une mince cascade de sable glissa d'une dune, le troisième jour il vu l'ombre d'un vautour rôder. Sohrab Al'Jabal n'en était pas à sa première embuscade, chaque nuit autour d'un feu il aiguisait son sabre et polissait son bouclier. Il savait lire les signes du désert, de minces lignes au coin de ses yeux et sous son kieffeh quelques mèches grisonnantes trahissait son âge. De nombreuses années passées à protéger les caravanes marchandes et des diplomates nerveux ont forgées son corps et son esprit vers un seul but; être le bouclier des faibles et la justice du désert.
Ils arrivèrent le quatrième jour et Sohrab ne put s'empêcher un petit sourire en coin lorsqu'il vit leurs silhouettes le long d'une dune. Quatre jours de traque.. Dans le désert le temps ainsi que l'eau sont deux ressources vitales et étroitement liée. Le serpent opportuniste saute sur sa proie dès que les conditions le permettes. Ces quatre jours de traque lui en disaient long, il avait à faire à des amateurs.
Le vieil homme qui l'avait engagé pour ce simple voyage de routine n'était pas un homme riche. Son aba et son kieffeh étaient pratiquement en lambeaux et tissés d'un tissu corsé de piètre qualité. Il n'avait qu'un seul animal porteur mal nourri pour trainer son chariot maigre en provisions. Il trouva des plus étonnants que l'homme lui ait offert une somme plus que généreuse afin de le protéger à travers cette vaste mer aride. Est-ce que le vieil homme lui mentait? Peut-être que sous le canevas de son chariot se trouvait pièces d'or et pierres précieuses d'une valeur inestimable? Alors pourquoi n'engager qu'un seul garde du corps et voyager ainsi tel un vagabond? Une phrase que sa mère lui disait dans sa jeunesse lui revint à l'esprit: ''Si tu marche, parle et mange comme un âne, alors les gens te traiteront comme un âne.''
Subterfuge ou non, les hommes qui se tenaient devant lui était bien réels et s’avançaient en demi lune vers leur position. Un vent de l'Ouest amenait toute la lourdeur de la chaleur du désert ainsi que du sable aux yeux de ces hommes qui s'apprêtaient maintenant à verser leur eau de leur vie, à ne devenir qu'un avec le désert jusqu'à ce que leurs os deviennent sable à leur tour. Cinq contre un, le vieil homme admira le courage de cet étranger qu'il avait engagé quelques jours auparavant mais il ne se leurrait pas sur son sort. Il était impossible pour lui de se défendre contre cinq bandits armés de lances. Quand même il continuait à avancer et si ses oreilles ne lui faisaient pas défaut, leur dire des insultes en plein visage? C'est à ce moment que le chef de la bande sauta vers l'avant pour y rencontrer son destin.
Le vieil homme comprit alors pourquoi son garde du corps passait des heures à polir son bouclier lorsqu'ils s'échangeaient des histoires autour du feu la nuit. Ce bouclier rond adorné d'une gravure des trois piliers Kheijan reflétait la lueur orangée de leur feu d'une manière éblouissante mais une fois dans le désert, il semblait être l'avatar incarné du Roi-Soleil, brandissant sa lueur éclatante au visage de ses ennemis. Il était une tornade de sang et de lumière, un après l’autre les brigands tombèrent, aveuglés par les rayons perçants, ne sachant pas comment ils furent tués avant de toucher le sol.
Le vieillard s’avança doucement vers son sauveur, qui lui était agenouillé devant l'un des cadavres qu'il venait de redonner au désert.
- Une prière pour les morts? Lui-demanda t'il
- Non, du sang sur mon bouclier. Fut sa courte réponse alors qu'il jeta au sol le turban souillé de la vermine qu'il venait d'utiliser le nettoyer.
Sujet: [BG] Sohrab Al'Jabal