Croissance

La décomposition avançait trop lentement. Aztarax perdait des bouts, mais il en avait assez d'être contraint par son corps, cet amas de chair putréfiée qui servait à faire perdurer son ignorance.

Il avait lu des livres. Certains, insignifiants, insensés et contradictoires. D'autres avaient cependant repoussé ses limites cognitives, élargi son horizon mental.

Il s'était posé des questions et les avait posées à d'autres, qui n'avaient pu offrir de réponse. Il en revenait dès lors à Aztarax d'y répondre. Pour ce faire, il ne pouvait plus laisser les ruines d'organes restreindre ses capacités.

Inspiré d'une part par les Gorlaks en visite à Mortancia pour des flasques explosives et de l'autre par les propos de son frère Zetnox, Aztarax fit l'acquisition de deux lanternes et s'en alla dans la forêt. Contre un tronc mort, il entassa des branches et des brindilles trouvées au sol et aspergea le tout de l'huile d'une des lanternes. Il lui fallut retourner en ville pour allumer l'autre, mais il était déterminé à accomplir son but.

Quelques heures après le début de cette entreprise, les flammes s'élevaient dans ce coin de forêt. Elles brillaient dans ses yeux morts. Sa chair n'empêcherait plus jamais Aztarax de faire quoi que ce soit.

Son ascension à la forme plus vénérable de liche avait apporté la clarté à l'esprit d'Aztarax. Dans ses os brûlait toujours l'amour de son père Lakkak, mais cet amour était désormais un trait du Mortanyss, laissant davantage de place à sa personnalité, à ses talents et surtout à ses réflexions.

Cette clarté lui laissait entrevoir des souvenirs de son existence mortelle. Y apercevant surtout des individus pâles, il ne doutait plus du peuple auquel il avait appartenu. Cette découverte intime expliquait en partie son appréciation de Sombrum et des siennes, son penchant pour l’érudition et ses élans artistiques.

Mais s’il avait constaté que ses frères et sœurs étaient heureux de délaisser leur passé, de s’en affranchir, la chose n’était pas aussi facile pour Aztarax. Une partie de son être demeurait ce Nargolith mort noyé. Il ne voyait pas là une faiblesse.

Émergeant d’un souvenir, une session d’entraînement personnelle contre un homme aux cheveux sombres, une personne qu’il avait appréciée, il se remit à son dessin.