C’était une belle journée ensoleillée à la fin du printemps. J'étais en visite à Val’Arak avec quelques daelwenas. Je me promenais dans les bois près de leur village, comme je le faisais près d’Ilidelwis quand je voulais réfléchir ou m’isoler. C’est alors qu’un groupe de jeunes Nalkiris m’aperçut. Curieux, ils se mirent à me suivre. Bien que je les eue remarqués, je les laissai me suivre un moment. Je n’étais pas pour décourager une telle curiosité; certains d’entre eux voyaient peut-être un Nébulix pour la première fois.
Voyant qu’ils me suivaient toujours, je pris la direction d’une clairière tout près, sachant que nous aurions suffisamment d’espace pour nous y asseoir.
- Venez mes amis, leur dis-je. Prenons le temps de nous asseoir. Je répondrai à vos questions.
Bien que certains parurent surpris, les plus timides emboîtèrent le pas des plus audacieux. Cela me fit sourire. Repérant un rocher qui se surélevait un peu sur la clairière, un peu comme s’il la gardait, je m’y assis. Je leur fis signe de venir me rejoindre. Rapidement, au sol devant moi, le petit groupe de jeunes Nalkiris prit le temps de s’asseoir, donnant l’impression d’une classe en plein air devant leur enseignant. Le ciel bien dégagé et la douce brise donnaient un air majestueux à la clairière.
- Je m’appelle Atatolix. Pour ceux qui me voient pour la première fois, je suis un Nébulix. Étant né au printemps, je suis donc un jour apparu dans un foyer de Daëlwena, vos cousins sous Lysaelle. C’est ce qui explique, d’ailleurs, mon teint verdâtre. Maintenant, je crois deviner que certains d’entre vous ont des questions.
Une fille, probablement la plus vieille du groupe, au milieu de l’adolescence, leva sa main :
- Quel âge as-tu?
- Je viens tout juste de fêter mes 102 ans, lui répondis-je.
Leurs yeux s’écarquillèrent. « 102 » les entendis-je répéter en murmure entre eux.
- C’est très jeune autant du point de vue d’un Nébulix que d’un Daëlwena. Ceux-ci commencent à peine leur vie d’adulte, à cet âge!
Cette intervention sembla calmer un peu ce jeune groupe. Bien qu’ils connussent moins les Nébulix, les Daëlweans leur étaient certes plus familiers. Je fis le tour de quelques-unes de leurs questions. Ils étaient bien curieux, ces petits Nalkiris!
- Es-tu un garçon? me demanda le plus petit.
- Je peux voir d’où ça vient, répondis-je en me levant. En pointant les parties de mon corps au fur et à mesure, je lui expliquai : Bien que j’aie 102 ans, je n’ai pas de barbe. Je suis plutôt mince et élancé. Mes épaules ne sont pas très larges. Pourtant, oui, tu as bien vu, je suis un homme.
Alors que je m’articulais pour présenter toutes ces caractéristiques, la plus petite ne put s’empêcher, les yeux pétillants :
- Oh, tu as des ailes! Peux-tu voler?
- Malheureusement non, dus-je lui répondre. Les ailes d’un Nébulix sont un peu comme une extension de notre tête. Lorsqu’on manque de place pour tout apprendre et se remémorer, ça va dans nos ailes!
Le plus vieux, lui, avait remarqué quelque chose qui l’intéressait beaucoup plus :
- Tu as une lame à ta ceinture, n’es-tu pas un peu frêle pour combattre?
- On pourrait le penser, oui. Mais ce qu’il me manque en force, je le compense par de la précision et de la vitesse.
Ça a paru avoir du sens pour la majorité. Mais pas pour lui. Rapidement, il ajouta :
- Qu’est-ce qui peut amener un petit homme comme toi à vouloir se battre?
Je pense que tous les jeunes présents virent mon visage s’assombrir, malgré moi. Après une grande inspiration, je leur racontai ma vieille histoire.
« Je devais avoir votre âge lorsque cet évènement se produisit. Je me promenais dans cette forêt lors d’une journée fort semblable à celle-ci, lorsque je rencontrai un groupe de Nalkiris un peu comme le vôtre. Ils préparaient un jeu de contacts dans une plaine à l’orée de la forêt. Jugeant qu’un joueur de plus serait amusant, je me suis approché d’eux. Un d’eux agissait comme chef pour le groupe. Lorsque je lui proposai de me joindre à eux, il éclata de rire. Selon lui, j’étais beaucoup trop frêle et petit pour participer à un tel jeu. J’étais jeune et plus fragile, à cette époque. Ses paroles me blessèrent.
En essayant d’empêcher les larmes de sortir de mes yeux, je partis en courant vers la forêt. J’ai pris une branche et, pour me défouler, frappai sur une pierre moussue jusqu’à ce qu’elle n’ait plus de mousse et que ma branche s’y casse. C’est là que je pressentis le problème. Je ne m’étais pas enfoncé bien loin dans la forêt, j’aurais dû les entendre jouer. Or, le silence était total. Pas d’animaux, pas de cris venant de la plaine. Seulement le bruit d’une faible brise. Je me suis hâté de retourner vers la plaine.
Ce que je vis en arrivant me hante encore, parfois. Le sang, la chair déchirée, les os à vif. Tous étaient étendus au sol, aucun Nalkiri n’avait survécu. Et c’est là que j’aperçus les plumes au sol. En se débattant, les enfants avaient dû les arracher. Des harpies avaient attaqué les enfants, laissant cette désolante scène.
Ce jour-là, je me suis promis que je ferais tout ce que je peux pour éviter que ça se reproduise. La mère de famille de Daelwenas où j’ai été élevée utilisait une rapière pour se battre en duel. En retournant à Ilidelwis, je lui ai tout de suite demandé de m’entrainer à la rapière. Mais, comprendrez-vous, mon objectif à moi n’était pas d’apprendre à me battre en duel. Lorsque je fus assez à l’aise avec ma rapière, je me trouvai un nouveau maitre : un chasseur de monstres. Grâce à lui, j’ai pu apprendre les faiblesses des monstres que j’essaie de combattre avec les techniques d’escrime apprises par ma mère d’adoption. Et lorsqu’on voyageait, il me montrait comme lui il utilisait la lance pour chasser. »
Je m’arrêtai de raconter. Je vis bien que mon histoire était peut-être un peu trop intense pour les plus jeunes. Le plus vieux me regardait toutefois avec un plus grand respect.
- Les Nébulix sont reconnus pour être curieux et en recherche constante de nouvelles connaissances. Je n'y fais pas exception et je veux donc profiter de mes expériences pour écrire ma propre encyclopédie des monstres, identifiant autant que possible les points faibles et forts de ceux-ci ainsi que leur culture.
- Un livre? Tu perds ton temps, Nébulix, m’envoya le plus vieux Nalkiri. Personne ne lit ça ici!
- J’aurai le plaisir de vous le raconter, mon jeune ami, lui rendis-je, avec un sourire.
Je levai alors mes yeux au ciel. Le soleil se couchait déjà! J’avais tant parlé et échangé avec les jeunes Nalkiris que je n’avais pas vu le temps passer.
- Venez, je vous reconduis à Val’Arak. Je serais bien attristé d’apprendre que le groupe que j’ai rencontré aujourd’hui n’est jamais rentré.
Sujet: [BG] Atatolix, Nébulix d'Ilidelwis