Les contes de l'élévation

Un jeune voyageur marchait depuis plusieurs lunes à travers le Sina'far, son turban cachait son visage du sable qui asséchait sa peau brunie par le soleil. Son corps robuste, mais légèrement courbée par la fatigue, avançait lentement vers son objectif.  Soupirant profondément, il s'arrêta pour boire une gorgée d'eau, la savourant avant de l'avaler, puis il continue au-delà du mirage, au-delà de la chaleur ardente des Soleils vers la montagne. Enfin, il s'arrêta et leva ses yeux d'ambre pour l'admirer, le sourire aux lèvres.


-Observe la montagne, et apprend d'elle. Lui avait-dit son grand père, un sage parmi les sages. Or, son petit fils était loin de posséder la sagesse du vieil homme.

L'observer...quelle perte de temps! se dit-il soudain trop confiant. À quoi bon  l'observer  quand l'important était d'atteindre le sommet? Faisant fie de la sagesse de son aieux, le jeune homme décida à peine de se reposer et il  commença à la gravir. Au début, ce fut aisé, mais de plus en plus, le seul chemin possible  devenait escarpé, voir impraticable. Épuisé, le kheijan du rebrousser chemin, la moue amère, les jambes éraflées par la pierre.  Revenu en bas, il s'assit au pied de la montagne, toujours le visage long et découragé. C'était impossible! Comment atteindre le sommet si déjà il devait revenir vers le bas? Déglutissant, il posa son front perlant de sueur sur ses genoux, ses épaules s'affaissèrent. Il avait juste une envie, c'était de retourner à Najar'him. Or, soudain, un vent chaud frôla sa chevelure noire, une voix murmura à son oreille:

-Observe la montagne....et apprend d'elle...elle te montrera la voie, à condition que tu la respecte et que tu  la considère...

Il sursauta vivement, croyant avoir entendu son grand père lui parler. Les gemmes d'ambre le cherchèrent confusément, puis le Kheijan se secoua la tête et soupira profondément. Baissant les yeux, il réfléchit longuement avant de reporter son attention sur l'amas rocheux. Retrouvant un calme intérieur, le jeune homme prit alors le temps d'observer la montagne, les différentes teintes de sa pierre, ses fissures, ses parois, sa solidité. Elle était magnifique et immense, solide, résistante, nulle tempête, nul tremblement de terre pouvait la faire tomber.

Elle avait acquis l'âge des ans, la sagesse profonde du silence et du temps. La base était aussi importante que le sommet, voir plus, car sans la base, tout s'effondrait, une petite pierre pouvait faire tout s'écrouler. Or, pendant ce moment de profonde méditation, la nuit était tombée, les étoiles scintillaient,  le jeune voyageur avait l'impression de les entendre chanter. Il sourit doucement, fermant les yeux, portant son oreille aux étoiles, puis à la montagne.  Un murmure résonnait dans ses pierres, racontant tout ce qu'elle avait ressenti, vécu.

 Elle était l'exemple à suivre pour qu'une fois au sommet, ne ket s'écrouler. Le kheijan se releva et vient la saluer avec le respect qui lui était dû. Il n'eut pas la prétention de la gravir, car cela  n'était plus nécessaire.  Le sommet viendra à lui quand il sera assez solide pour le supporter...

À chaque matin Ali, le pêcheur, alla pêcher au quai. Sa routine était simple, humble et routinière, mais il aimait la sensation du vent sur son visage, de l'odeur marin, l'écume des vagues frappant le quai. Le seul plaisir d'observer la mer, de méditer sur celle-ci, le suffisait, cela et pêcher une manne de poissons, si Aon le graciait. Or, un soir que le soleil se couchait, il vit descendre d'un cheval une femme d'une grande beauté. Elle revêtait toute la grâce de la féminité, mais son regard de braise était aussi fort que celui d'un homme. L'on dit que les yeux sont le miroir de l'âme, il en fut saisit. Or, l'inconnue le regarda un bref instant, lui sourit puis se détourna de lui comme s'il n'avait jamais existé. Ali fut alors très troublé, ne comprenant ket ce changement d'attitude. Il tourna alors son regard confus vers la mer et une question lui vient à l'esprit. Une question universelle, mystérieuse, sans réponse.

Comment comprendre les femmes?

Les femmes étaient un véritable mystère pour lui, il les avait toujours fuit par timidité.  Pourtant, cette question le taraudait plus que tout. Il décida donc de se lever et aller poser la question au sage de son village. Haussant les sourcils, celui répondit sans hésité:

-Les femmes sont là pour soutenir les hommes, tout simplement. Elles sont nées pour porter nos enfants, pour les élever et faire en sorte que notre avenir soit fort, selon ce qu'Aon nous réserve. Allons, ne tracasse pas avec ce genre de question! Va pêcher!

Le pêcheur fut très déçu par cette réponse, il aurait espéré mieux de la part de ce sage. Ali se leva donc un peu courbaturé d'être resté immobile pour si peu et sorti de la tente. Se massant la nuque, il soupira, insatisfait. Il se dit alors que le seul moyen de répondre à sa question était de questionner les femmes. Plutôt, la plus vieille d'entre elles, donc la plus sage selon lui. Il posa son regard sombre sur la doyenne. Autrefois, elle avait dû être une vraie beauté, mais la dureté du Sina'far l'avait gâté. Reste que ses yeux limpides revêtaient une profondeur fascinante. Il s'approcha d'elle et après l'avoir saluer avec respect, il demanda:

-Comment comprendre les femmes, oh yaskli kadin (vieille femme)?

La doyenne haussa les sourcils surprise, puis elle sourit doucement. Ses yeux émeraudes se levèrent vers le ciel étincelant et elle murmura:

-Ah seul Aon les comprend vraiment...surtout leurs larmes!

Le pêcheur la regardait très attentif, sans comprendre pourquoi elle parlait des larmes. Il fallait dire que les femmes kheijannes, celles que les hommes respectaient plus que tout, étaient de ces femmes qui étaient le plus contrôlées niveau de leurs émotions. Or, la vieille femme glissa dans sa main une pierre, un saphir. Il fut étonné de la beauté du joyaux qu'il refusa poliment, gêné par ce présent trop princier. Yaslki claqua la langue et repoussa légèrement sa main en disant:

-Si tu veux comprendre les femmes, observe ce joyaux.

Sans autre mot, elle se leva et de sa démarche lente, s'éclipsa. Ali resta un peu hébété puis il baissa lentement ses yeux sur le saphir bleu. Secouant doucement la tête, il soupira puis tourna les talons pour retourner sur le quai, observer la mer. S'assoyant, il tenta de se vider l'esprit, mais la pierre   pesait lourde dans sa poche. Lentement, il vient la reprendre et se prit à observer le joyaux. Il était magnifique, raffiné, plein de contrastes, de subtilités,  doux à la vue, que dur au toucher. Il lui faisait penser à la belle kheijanne...

-Il est impossible de comprendre les femmes, car toutes sont différentes. Souffla-t-il soudain toujours les yeux fixés sur la pierre. Pourtant, toutes ont une force commune, celle du désert...elles sont...

Le pêcheur leva les yeux alors vers la mer, puis vers le ciel.

-Elles sont des joyaux indispensables, comme la mer l'est au ciel. Vay...

D'un sourire, Ali baissa à nouveau son attention sur le saphir, le caresse de son pouce.

-Vay, les femmes sont le plus beaux des mystères...pourquoi vouloir les déchiffrer?  Qui suis-je pour vouloir comprendre un chef-d'œuvre d'Aon? Seul lui les comprend vraiment...en cela, la vieille femme a dit vrai. Et les hommes qui croient qu'elles ne servent à enfanter sont dans l'erreur. 

Il riva son attention sur des femmes qui passaient, sans remarquer que quelqu'un s'était assit à ses côtés.

-C'est comme privé la moitié de votre être que de les catégoriser ainsi. Juste bonne à enfanter...Dit alors une voix claire à ses côtés. Sursautant, il leva les yeux vers la magnifique kheijanne qu'il avait entrevu et qui s'était approché de lui. Il en perdit ses mots, ce qui fit sourire la belle. Elle inclina la tête doucement en le fixant. 

-Je vous ai entendu parlé. C'est beau ce que vous dites sur les femmes. Je me nomme Saphira. 

Le destin était tel qu'il avait trouvé un saphir personnifié. Aon était grand...Saphira lui sourit souffla:

-Les hommes respectent qui nous sommes, mais certains ne nous considèrent ket à notre juste valeur. Ils ne nous comprennent ket. Vous savez, j'envie certaines femmes qui se hissent au sommet, elles sont un exemple pour moi de réussite, mais elles sont les plus mal comprises de toutes. 

Sa tête s'inclina doucement sur le côté, son regard bleu le scruta, il sentit son coeur battre. Elle se pencha alors vers lui, le sourire aux lèvres, dévoilant des dents blanches. 

-Or, voici un homme qui veut nous comprendre...déjà c'est quelque chose de rare. Êtes-vous un sage?
-Ket je suis un simple pêcheur...
-Eh bien, vous êtes pour moi un sage, car seuls les véritables sages veuillent vraiment comprendre les femmes.