Les mémoires passagères d'Eldwae

Eldwae entra à Sombrum le cœur gros, se sentant étrangère dans sa propre maison. Alors qu’elle vagabondait dans les rues, mordue par le froid de la saison de l’Abysse, elle trouva refuge dans un lieu où une douceur réconfortante berçait les âmes perdues. Elle venait de mettre les pieds chez Meducia. La jeune nargolith pris rapidement son aise et alla jusqu’à converser avec la tenancière. Son confort désinvolte fut cependant perturbé par l’entré en scène d’un chaleureux personnage. Assez grand, sa délicate silhouette découpait d’un flegme élégant l’éclairage autour d’elle. Son sourire inspirant la confiance était possédé par des traits fin et gardé par des yeux rouges chauds et saillants. Couronné d’une coiffure singulière, ses habits suggéraient quant à eux, une notoriété élitique d’un homme ayant ses lettres de noblesse. Fort généreux de sa présence, il prit le temps de faire visiter et d’expliquer les rudiments du folklore local. Il prit repos lorsque la jeunette fut attrapé par deux dames distinguées, l’une étant la Voix et l’autre la Guide de Sombrum. Le style vestimentaire grossier de la jeunette, une jupette ceinturée d’une longue sangle en cuir horriblement agencée d’une paire de bottines vertes et d’une cotte classique de même couleur, fit sursauter d’horreur la Voix. Celle-ci s’affaira à la confection d’une garde-robe plus modeste pendant la Guide lui énonçait les grands principes Nasticiens et sociaux. Une fois l’entrée en scène d’Eldwae dans la sombre fut achevé, elle s’empressa d’écrire ses mémoires de ses premières impressions.

Extrait disponible à la bibliothèque.
Sombrum.
Sombre heaume disposé par un usage opulent et tourmenté des matières, des jeux d’ombre, de lumière et de couleur. Cité qui fait étalage de sa richesse, de son pouvoir temporel et spirituel. Elle est une perle irrégulière, extravagante aux formes imprévues. Son style étonnant magnétise les formes d’expressions artistiques, religieuses et d’organisations sociales en une liberté qui rend perméable toutes les nuances du génie pragmatique Nargolith. La ville est un théâtre et son souverain un metteur en scène implacable qui plie la nature à ses jardins.

L’événement de la semaine intéressait beaucoup Eldwae. Son admiration pour tout ce qui est et tout ce qui découle de la Nature est véritablement une plaque tournante dans son cheminement. Les ornements floraux de sa ville l’enchantent et la font frissonner d’une douce passion. Elle eut comme mandat de tenir les bibliothèques en ordre et en bonne républicaine, elle s’exécuta. La jeune femme profita de cette opportunité pour consulter de nombreux ouvrages sur le thème. Sa besogne lui plaisait bien, son esprit méthodique et sa soif de connaissance étaient facilement comblés. Alors qu’elle balayait les archives du Sombrum’Dalan, suite à une réunion endiablée des membres des baronnies et des Tai’ portant sur la découverte d’un manuscrit ancien, elle tomba sur un grimoire poussiéreux coincé entre deux rayons. La plupart des notes étaient écrites dans un langage qui lui semblait si familier, mais à la fois inconnu. Elle en fit une brève traduction, sans trop y porter d’attention.

Vint alors l’exposition grandiose d’une dame qui devint Artiste de Sombrum par la même occasion. Titre qui lui revenait amplement de droit, suite à une telle prouesse. Eldwae accrocha son intérêt particulièrement sur le volet floral de l’exposé. Deux lunes passèrent et la Nargolith se résigna à revisiter le forum, mais cette fois-ci seule. Elle regagna les présentoirs où étaient encore montré les gerbes dédiées aux divinités. S’approchant lentement de la Belladone, elle lut candidement l’écriteau explicatif du bijou. Ne pouvant s’empêcher de ressentir la caresse de ses pétales, elle y glissa délicatement la main. Appréciant autan le doux parfum et la vivacité des ronces, elle plongea dans un songe, un rêve et une douce mélodie poétiquement orchestrée par l’ambiance somptueuse de l’endroit lui transperça l’âme. Ses yeux s’allumèrent d’une faible lueur verdâtre et d’une voix chaude, plutôt grave sur un ton monotone elle finit par murmurer :


Eldwae s’arrêta net, stupéfaite des mots qu’elle prononçait. Elle se vit alors brutalement projeté à trois jambés du comptoir, sa main rougit lui brulait furieusement. Sous le choc, elle se releva et quitta l’endroit, chancelante. La jeune femme gagna la taverne de Meducia encore étourdie puis pris une chambre pour s’étendre. L’événement la tourmentait, la pièce se mit à tournoyer, elle fit prise d’un terrible vertige. Une ronce sortit lentement de sa manche lui caressant le bras et la main serpentant sinueusement à l’intérieur de sa sacoche. Terrifiée, Eldwae bondit hors du lit vidant le contenu du sac sur le sol mettant en évidence à ses pieds, son grimoire. Le serpentin retraita rapidement d’où il avait sorti, et prise de panique elle tâta son bras allant même jusqu’à se dévêtir, rien. Elle pris le livre aux pages vierges et remarqua alors un étrange changement, il y était gravé Eldwae, La Pâle sur la couverture. Un heurt contre la porte la fit sortir de sa stupeur.

- Dame, loin de moi l’idée de vous importuner, mais ne devriez-vous silaie vous préparer pour le Bal de ce soir ?

C’était l’expression chimérique d’une journée marquant la fin de l’Abyss. Le climat agréablement frais était caressé audacieusement par un soleil enjoué. Eldwae vaquait paisiblement à ces occupations journalières lorsque son chemin croisa celui du Khai et d’une prétendante. Celui-ci les invita respectueusement à visiter le chantier de son vignoble, allant même jusqu’à offrir de son temps pour une promenade guidée. Le Vignoble de Sombrum était délimité par un pourtour fortifié suivant l’architecture classique et noble de la République. Bien que le bâtiment ne soit pas érigé, les plantations linéaires des vignes étaient quant à eux fort bien disposé de manière à rendre les récoltes rapides et efficaces. Le temps passa si vite, et les deux personnes accompagnant la jeune nargolith furent rapidement pressé de retourner à leurs besognes. Eldwae eu le luxe de traîner quelque peu et sorti de l’enceinte pour explorer d’avantage les alentours. Prise d’un léger ennui, elle s’allongea lestement dans un jardin de fleur sauvage et leva les yeux au ciel.

Élégamment allongée, Eldwae contemplait la brunante qui, peu à peu, dessinait la journée qui mourrait. Elle suivait du regard, l’éclat du jour qui s’effaçait derrière les montagnes mortannes. Les vapeurs lumineuses aux couleurs mielleuses dansaient sous le chant du soleil. Un scénario enchanteur donnant à la flore le rôle principal. L’absence d’écharpe nuageuse plongea tranquillement dans un noir profond le plafond du monde connu. Le tableau était parfait pour l’ascension de la reine nocturne, qui avec les filles de la nuit tissèrent une toile d’illusion, de rêve. Apostant un sourire passionné, la jeune femme se mit à fredonner un air mystérieux et saccadé. Cette mélodie lyrique fit danser les abeilles, chanter les chênes avoisinants et amusa la faune des environs. La litanie s’étira sur de longues notes aigues et lorsqu’elle toucha l’automne des idées, transforma les convives en une perle de braise. Éblouie, Eldwea eu à peine le temps de se dresser sur ses coudes, que la sphère se dirigea furieusement vers elle.  Prise de panique elle bondit agilement sur ses pieds accrochant au passage sa sacoche de voyage, dévoilant le contenu au regard amusé de Nasticia. La balle flamboyante alla se choir impétueusement sur le grimoire, enchaînant les âmes au désir de son propriétaire.

Eldwea n’eut jamais réponse à ce qui se passa cette nuit-là, mais embrassa chacune des délectables minutes qui en suivies.

Le ciel était complètement gris, menaçant sa violence. Le vent s’élançait furieusement dans les rues et se brisait contre les bâtiments. Les arbres se prosternaient, les feuillages chantaient et dansaient au rythme des bourrasques. Les animaux se terraient, se cachaient pour s’évader de la tempête. L’averse qui débuta lentement devenait de plus en plus abondante, bruyante et agressive. Eldwae alors assise sur le cadre de la fenêtre de l’auberge, chandelle à la main, s’égarait dans ses songes mélancoliques face au chaos extérieur. Elle perçut chaque gouttelette comme un rêve, une ambition voire une opportunité qui chaque fois s’écrasant contre le sol, se vit pulvérisée et complètement anéantie. Lasse d’un tel gâchis, elle enfila capuchon et long manteau puis entreprit une marche jusqu’à la banque. Elle se plut à l’idée d’attrapé une larme de destinée de la tristesse divine des cieux. C’est avec un sourire enfantin, qu’elle en captura une d’un agile mouvement la main... ainsi que l’attention de la Voix, qui devant elle, sortait du commerce boursier. L’Estimée était en compagnie d’une étrangère, une artiste non pas du langage mais de la science de la balance. Elle invita la jeune nargolith à faire connaissance et prendre conscience de quelques rudiments commerciale. Sans doute, aussi, pour avoir une conversation que ne demandait aucun effort de compréhension linguistique. La discussion se poursuivi plus tard dans les appartements de la D.A.C., privé et beaucoup plus sérieux. Eldwae en sorti grandie et gonflée d’aventure mais également déchirée et alourdie d’un nouveau fardeau. Elle embrassait néanmoins avec joie la direction que prenait ses rêves. D’humeur festive, elle prit la route vers la Taverne où elle se serait volontiers payé un grand cru.

Traversant à nouveau la tempête printanière, les yeux chargés d’allégresse, elle joua de nouveau à collecter un atome de chance. À peine eut-elle le temps se secouer son manteau détrempé qu’une Lame Noire et la Chercheuse la quémandait, selon son bon désir, de bien vouloir les suivre pour une quête dans la Morte. La main encore humide, elle esquissa un mince sourire pour elle-même. Tant qu’à mourir d’ennuie, aussi bien tuer un brin de soirée dans la nécropole à tisser d’immortel union. Le marathon qui suivi fut surprenant et éprouvant. Ils passèrent d’une crypte à l’autre, à travers un labyrinthe pour ensuite finir dans le cœur d’un volcan. Le trio nargoliths firent bonne figure, apportant support et aide nécessaire à leur allié. Bien que le temps se fige pour les morts, il reste lourd sur les épaules de ceux qui vivent. Exténués, ils reprirent route vers les terres familières de Sombrum. La violence climatique était encore bien furieuse sur les landes, mais cela importait peu. D’un léger pas de danse, naïve voire innocente, Eldwae le fit encore. Elle intercepta une troisième fois une perle de folie entre ses doigts. La triade entra chez Méducia, la soif aux lèvres. Ils furent cependant freinés par la Guide, qui stoïque, les attendait.

La Guide les somma de la suivre dans le temple. Ce qui suivit par la suite resta nébuleux pour Eldwae. Chose certaine, elle se leva le lendemain avec les cheveux blanchît et une cicatrice argentée en croissant de lune dans le haut du dos. La douleur de la marque la fit grimacer quelque temps, avant de s’estomper complètement.