(BG) Khassim Var Al'Nahid, Kheijan

Khassim Var Al'Nahid

La nuit était fraîche, sombre et calme comme toujours dans le désert. La lueur du feu et le crépitement des braises semblaient être seuls à vivre dans ces vastes contrées. Deux hommes séjournaient autour des flammes y cherchant chaleur et réconfort. L'un d'eux s'occupait de la maigre pitance qui grillait au dessus du feu bien embrochée sur le montage de branches. Ce n'était qu'un petit lézard des sables banal, mais les deux compagnons ne s'en plaindraient pas cette nuit. La journée avait été rude et longue, il avait fait particulièrement chaud et ils n'avaient pas croisé d'oasis depuis trois jours.

Bien sur, ils avaient l'habitude, mais dans le désert la crainte est toujours omniprésente car on ne sait jamais ce que les sables nous réservent, les routes s'effacent, les oasis se dissipent, elles sont la proie de plusieurs maraudeurs, parfois des hommes, mais aussi des bêtes, des monstres.

- Tu devrais vraiment essayer de dormir, une longue route nous attend demain, nous partirons dès l'aube. Dis le plus âgé des deux hommes, celui qui s'occupait de faire griller le lézard.

L'autre plus jeune semblait préoccupé à l'affûtage de sa vieille lame de basse facture, tentant tant bien que mal de la rendre plus tranchante et efficace. C'était peine perdu, mais à défaut de mieux il persistait. Il s'était juré depuis quelque jours que dès son arrivée en ville il s'en procurerait une d'excellente qualité. Ce n'était pas du luxe pour un chasseur après tout d'utiliser les meilleures armes possible afin d'être des plus efficace.

- À combien de jours crois-tu que nous soyons de Najar'Him? Le jeune demanda-t-il sans jamais abandonner sa tâche.

- Quatre jours, peut-être cinq? Nous avons pris du retard aujourd'hui. Nazir découpa la queue du reptile grillé afin de déterminer l'état de la cuisson, qui était plutôt convenable. Il avait toujours été un cuisiner hors pair, au contraire de son camarade. Bien qu'il estimait le jeune homme apte à devenir un excellent chasseur, ce dernier n'avait cependant jamais su faire un fond de veau respectable. Il avait donc abandonné l'idée de lui confier la cuisson de quoi que ce soit depuis plusieurs années. La nourriture dans le désert était bien trop précieuse pour se permettre d'en perdre une miette.

Khassim, se fiait au jugement de Nazir aveuglément, il savait bien qu'il connaissait le désert comme le fond de sa poche. Si Khassim l'avait traversé déjà à de nombreuse reprise, Nazir avait du le faire au moins deux fois plus souvent. Il était inutile de lui donner son avis.

Si ce n'était que de la chaleur accablante, le voyage jusqu'ici avait été des plus calme, pour deux chasseurs c'était bien désolant, car ils n'avaient amassé qu'un bien maigre butin à revendre. Les deux compagnons ne perdaient pas espoir pour autant. Chaque jour apportait son lot de surprises si petites soient-elles.

Au loin, alors que les deux hommes dégustaient les pattes de reptiles, un cliquetis se fit entendre. Pas un simple cliquetis, les deux chasseurs le connaissaient bien, il s'apparentait à un insecte bien connu du désert, le scarabée. Seulement, à se fier à la puissance du son de ce dernier qui résonnait dans les dunes, il devait avoir la taille d'un cheval, c'était pour sur un scarabée géant.

Khassim bondit d'un coup se redressant pour analyser d'où provenait le son exactement. Il semblait prêt à se mettre en chasse alors que Nazir n'avait pas même levé le petit doigts. Il mangeait sa pitance adressant qu'un simple regard vers Khassim.

- Tu peux reprendre place près du feu. Sans le quitter du regard, il terminait de ronger les dernières pièces de chair sur l'os de la patte de lézard, n'y laissant que les cartilages qu'il n'appréciait pas particulièrement.

- Tu as entendu comme moi, ce scarabée n'est pas si loin, nous avons nos chances de le traquer et le trouver. Bien que Khassim était  d'une nature calme, on percevait une lueur d'enthousiasme dans ses paroles.

- Nous ne le traquerons pas. Reprends place et repose toi.

Le regard du jeune homme s’assombrit bien légèrement alors qu'il questionnait son ami du regard. Ils étaient des chasseurs en quête de butins et de trophées, un scarabée géant était tout désigné pour leur offrir de quoi survivre pendant plusieurs semaine.

- Je ne te comprends pas, nous n'avons trouvé que quelques herbes, des rongeurs et des lézards. Tu cracherais sur une telle chance? Bien qu'il semblait défier la décision de Nazir de par ses dires, il reprenait place doucement devant lui près du feu.

Nazir n'avait nullement l'air impressionné et bien peu intéressé à prendre part à un tel débats, mais puisqu'il n'avait pas moyen d'y couper, il délaissa son repas pour prendre la parole, lui qui était pourtant un homme de peu de mots.

- Regarde autour de toi Khassim, n'est-ce pas calme? N'est-ce pas paisible? Ce désert est notre terrain de chasse oui, mais il est de notre devoir de s'assurer qu'il le reste. Ce scarabée comme plusieurs autres créatures s'attardent à le rendre inhospitalié aux intrus venu de je ne sais où. Ket Khassim, je chasserai ce scarabée que si j'en suis obligé, car son rôle ici est bien plus important qu'il n'y parait. Par ailleurs, il assurera une prochaine génération de scarabées qui à leur tour protègeront le désert. Le tuer inutilement reviendrait à affaiblir nos défenses naturelles. Maintenant termine ton repas et dors et n’oublie pas, dès l'aube nous partons.

Sur cette conclusion, il s'était allongé délaissant son jeune ami à ses réflexions. Les étoiles brillaient de milles éclats dévoilant les cieux comme jamais il était possible de les voir hors de la pénombre du désert. Khassim comprenait l'avis de son compagnon, au fond il approuvait même cette façon de penser. Ils étaient des chasseurs, oui, mais avant tout ils étaient des protecteurs du désert, de ses richesses et de sa faune. Cette idée lui avait toujours plu et c'est avec cette douce pensée qu'il s'était endormi doucement laissant les dernières braises du feu lui réchauffer le dos.

L'aube viendrait très bientôt et les deux compagnons reprendraient leur route en direction de Najar'Him. Si le destin leur était favorable, ils atteindraient une nouvelle fois la ville en un morceau. Le désert peut être parfois cruel, parfois traitre, mais pour ses protecteurs il semblait faire preuve d'une certaine clémence, une bienveillance, un échange de bon procédé dirait-on, du moins Khassim se plaisait à le croire. C'est avec confiance et respect, qu'il poursuivrait sa route, encore et toujours, reconnaissant de ce que lui offraient ses périples nombreux, mais conscient de sa place au sein de ce cycle précieux qu'est la vie dans le désert.