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 (Pièce de Théâtre) - La Divine Comédie

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Thalia, Hastane

Thalia, Hastane


Messages : 335
Date d'inscription : 05/12/2020

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MessageSujet: (Pièce de Théâtre) - La Divine Comédie   (Pièce de Théâtre) - La Divine Comédie EmptyLun 23 Aoû - 1:10

Chaque année, les landes semblaient un rien plus sclérosées. Et un bon lot avait coulé depuis que les lunes étaient tombées en blocs pour s’échouer sur terre, dans l’émoi et l’effroi. Parmi les Kheijans, Nalkiris et Hastanes, seuls les plus anciens désormais portaient le souvenir du tragique événement. La nouvelle génération, d’hommes et de femmes maintenant mûrs, n’avait connu que ce monde chancelant, vestige d’une gloire passée qu’ils n’auraient connu que par les récits franchissant les lèvres de leurs parents, ou des quasi-immortels qu’étaient les Daelwena ou Nargolith croisant leurs chemins. Mais ceux-là aussi, vieillissaient et se ternissaient, le marasme du monde semblant jusqu’à troubler leur chair à la jeunesse autrefois éternelle.

La gravité et le sérieux dominaient en tout le spectre des émotions, quand les hiers rieurs étaient, semble-t-il, souvenir d’un passé lointain. Et pourtant… Une assemblée éclectique, dont la bravoure fut jugée folle par certains décida de se rassembler en un curieux soir d’été en un lot de bâtisses à demi désaffectée, que l’ironie du sort et de l’univers maintint debout après tant d’années. Le temps d’un soir, l’habituellement inactive Las Fyjas reprit vie. C’était l’éléphant blanc d’un rôdeur du Sina’Far fameux sur les landes, qui y avait mis les derniers apparats tandis que les fragments de lune s’écrasaient sur la terre. La première dévastation du cataclysme se trouva là, dans le rêve inabouti du rôdeur Ali. L’endroit avait rassemblé parfois des rôdeurs d’ici et là, tandis que le clan des trois flèches avait grossi pour admettre en ses rangs des gens venus du Nord, de l’Ouest, de l’Est, pour les allier aux célèbres rôdeurs du Sud. Ils allaient et venaient à leur guise, rapportant dans leur musette des bilans toujours plus désastreux d’une nature rebellée et d’une magie emportée. Pourtant l’une après l’autre, leurs nations étaient tombées, et les rôdeurs apatrides avaient rejoint qui le couvert de la ramée, ou le refuge des remparts de nations qui avaient bien voulu les abriter. Et encore ceux sous la bannière des trois flèches rôdaient, tâchant de faciliter l’ordinaire de ceux qui s’emmuraient. Ils arpentaient les sentiers que personne n’osait fouler, comme éclaireurs, comme rôdeurs, au nom de la survie de ceux qui préféraient demeurer dans les chemins bien battus.

Las Fyjas était alors tombé dans l’oubli, sans avoir pu accomplir sa mission première. Et était resté squelette abandonné d’un colosse mort-né. Jusqu’à ce soir-là. Certains des bâtiments dont les éléments avaient écorché le plâtre, entamé la pierre et brisé les tuiles s’étaient trouvés redécorés de pans de tissus colorés et de lanternes donnant à l’endroit une allure malgré tout festive. Une pièce de théâtre s’y jouerait. Des curieux qui étaient aussi bien braves avaient afflué, pour compter de l’assistance. Pour tuer le temps, tandis que les décors se montaient et que derrière le rideau on entendait indistinctement clouer et pester, la foule bigarrée ou les races se confondaient s’entrainaient en jeux de dés, en surenchères de mises, ou en concours de boissons qui coulaient à flots.

La rumeur d’anticipation coulait pourtant parmi la foule. La pièce, de la main de la gitane Thalia, promettait d’être aussi scandaleuse que les autres. Cette fois, il était question de mettre en vedette non plus des femmes ou des hommes, mais des dieux. Ces dieux foulaient les landes, et depuis avaient perdu de leur lustre. Leur astre, en vérité, était aussi au ras de terre que les fragments de lune qui faisaient la toute-puissance des divins de Terra par le passé. Le crâne de Tork ornait une pique aux frontières des terres hastanes dévastées, message sanglant que la Horde d’Orgol espérait faire passer. Elmagan s’était emmuré à l’ancien château nébulix. Derna tempêtait vainement, ses pestes et ravage n’impressionnant plus pour être désormais devenus ordinaires. Les marchés de Malmoth étaient des jeux de dupe auxquels peu de mortels mordaient encore. Le sang de Malnara avait abreuvé la terre. Lakkak était un souvenir aussi lointain que les Mortanyss qu’il avait engendré. Aon et sa sagesse s’étaient promptement envolés. Kordaken était tombé en même temps que l’Empire qu’il avait fondé. Lysaelle s’épuisait, ostensiblement, au milieu de ses ouailles, et paraissaient chaque jour aussi ravagée que la terre qu’elle défendait. Que valaient-ils, les anciens dieux, si ce n’était en cette heure une risée?

Certains retinrent leur souffle, au frémissement du rideau. Les lanternes furent tamisées, et on invita ceux qui criaient trop fort leur victoire (ou se plaignaient de leur défaite) aux dés à baisser d’un ton. La pièce allait commencer…


Citation :
La Divine Comédie
À quel Saint Terra peut-elle se vouer?

Acte I – La Génèse

*Le rideau se lève, révélant une immense tablée entourée de sièges ouvragés. La table est ornée d’une grande carte de Terra, couvrant toute sa surface, avec le relief des montagnes, ses océans peints d’un bleu azur, des forêts et plaines d’un tapis à motif.*

*Sur la table, on voit des reliefs de nourriture épars, visiblement la séquelle d’un banquet abondant et fort arrosé. Des aliments à demi croqués, des flaques d’on ne savait trop quoi, des couverts en désordre. Aux côtés et sous le meuble, on apercevrait des déchets de table.*

*Une femme entre deux âges et aux formes pleines, le teint rose et frais encore, s’avancerait. Elle porterait une robe immaculée simple qui avait tout d’un habit de bonniche, un bonnet couvrant ses cheveux blond platine, un tablier ceignant sa taille. Elle est armée d’une brosse en une main, et d’une corbeille dans l’autre*

-Aaaah nom de nom…! Quel merdier ils ont mis. Il faut bien que quelqu’un nettoie tout ça. Et, évidemment, c’est moi qui s’y colle.

*La bonniche au teint pâle et à la chevelure claire ramasserait les déchets avec une grimace, les poussant dans la corbeille, brossant le tapis d’un vert gazon et la tuile bleue de l’océan de la mappemonde de la table pour la débarrasser des miettes et des dégâts.*

*Elle ramasse, du bout des doigts et avec dédain, parmi les déchets de table, des objets hétéroclites comme une dague sanglante, des dessous de dentelle affriolants, et d'autres débris*

*Elle jauge ensuite la table, le nez un peu froncé. Elle souffle, éreintée, et pose la corbeille à ses pieds.*

-Boooooooooon… On va dire que ça va. Tout est à sa place, les bêtes, les plantes et les êtres sont bien en vie… Eh vous autres, vous pouvez venir.

*Hélerait-elle, vers les coulisses*

*La figure d’un vieillard paré d’une longue barbe blanche affixée à son visage s’avance. Le vieil homme en toge de coton simple porte un ridiculement gros livre sous le bras, qui laisse tomber des pages sur son passage sur le plancher tout juste nettoyé.*

*Ensuite viendrait un individu en armure de plaque aussi rutilante qu’encombrante, dont on ne voyait que les yeux, à peine, par la visière d’un heaume orné d’un très haut cimier. À chacun de ses pas lourds, l’armure grincerait comme une porte mal huilée.*

*Le paladin parlerait le premier*

-Ah! Enfin un peu d’ordre. Une table présentable, digne de ma personne!

*Puis il s’interrompt, et s’avance (en grinçant abondamment) vers le côté droit de la table*

-Mais qu’est-ce que ceci?! Il reste une tache, là! Ah, diablesse d’Eyvi, tu as cochonné le travail. Pauvre déesse de la vie que tu fais! C’est bien de faire genre, et de créer toute la vie depuis rien mais, si c’est pour le faire n’importe comment… Tu sais bien que l’impureté, je ne tolère pas ça!

*Il tire sa grande épée, menaçant, devant la bonniche qui ne parait guère impressionnée, campant sa position, poings sur les hanches*

*Puis d’un mouvement sec, il ampute la table d’une planche, qui tombe par terre, coupant un pan d’océan et quelques iles*

*Ce serait au tour du vieillard de parler, qui élèverait en l’air un index en l’air, le menton levé et l’expression docte pour annoncer*

-Je l’avais prédit.

*Sur scène viendrait ensuite profiler une jouvencelle au teint vert, aux formes plantureuses et à la tenue laissant peu à l’imagination*

*La paire d’hommes resta coi, leur expression ébaubie parlant pour eux. Aon ouvrant de grands yeux, puis ouvrant son livre et y portant une plume pour y faire une soudaine foison de ratures et d’annotations. Kordaken, lui, laissant choir son épée par terre sous le choc.*

*De son côté, Eyvi roula exagérément les yeux, une main sur la hanche, l’autre retenant encore sa brosse*

*La nouvelle venue glousse, faisant la belle, minaudant en envoyant un baiser de la main vers les deux dieux masculins, ignorant somptueusement la déesse*

-Lysaelle, c’est ça? Née de la dernière pluie peut-être mais poussée comme un sacré champignon, si on me passe l’expression…

*La déesse confirma d’un hochement d’ingénue, en minaudant, un sourire matois raccroché aux lèvres*

-Allons douce et gente dame. De déesse vous avez le corps, il faut prendre le siège. Votre place est parmi les dieux, ça se voit!

*Le chevalier multiplia les grincements pour avancer, prévenant et galant, un fauteuil à la belle. Subrepticement pendant qu’elle s’installa, la fente de sa visière ne dévia du siège de l’intéressée*

*La bonniche renâcle*

-Alors quoi, n’importe qui peut s’installer là? C’est ma place, ça, pardi! Je viens de créer toute la vie, de moi-même, pendant que vous vous contempliez le nombril! Ce serait à moi de poser les pieds sous la table à cette heure.

-Non mais non, ma petite mère… On ne nous parlera pas sur ce ton déjà! Parangon de justice j’exercerai la mienne sur l’heure. Chère Lysaelle, la position de déesse de la vie vous siéra à merveille.

*Estomaquée, Eyvi proteste, en balbutiements confus et outragés.*

-Mais, mais… Quoi!

*Aon rétorque, adoptant encore sa posture docte, l’index en l’air*

-Enfin c’est connu que vient âge ou femme ne peut plus donner la vie, et il semble bien tout juste que vous venez de l’atteindre. Comme autant de créatures femelles et mortelles que vous avez façonnées, la fraicheur de la jeunesse passée, la décence imposerait que vous sachiez vous tenir et vous faire oublier… Vous comprenez, c’est dans l’ordre des choses. La… vie est ainsi faite.

*Kordaken parlerait par l’acte, emportant la bonniche d'un bras contre sa large épaule armurée, et prenant sa corbeille dans l’autre main. Puis, en grinçant à chaque pas, il lancerait la corbeille et la femme vers les coulisses, chose qui serait suivi d’un grand et bruyant fracas, ainsi que du cri d’horreur et de douleur de la déesse déchue*

-AAAH!

-Je le savais, que ça arriverait.

*Mentionnerait Aon, en un hochement, en venant s’installer à la gauche de la plantureuse déesse, posant son lourd livre devant lui*

*Kordaken, lui, s’empresserait de prendre le siège de droite*

-Ah douce dame Lysaelle…! Une déesse de votre prestance ne peut qu’accomplir de grandes et grandioses choses…! Avec la sagesse à votre senestre, et la justice à votre dextre, je suis d’avis que vous pourriez voir tous vos désirs comblés… je veux dire, accomplis. Ensemble, nous penserons à des seins… je veux dire, à nos desseins! Nous avons tous les atours… je veux dire, les atouts… pour créer la vie, autant de mortels qui nous honoreront de leurs prières. Un Empire, le premier des Empires, s’élèvera à nos gloires conjuguées.

*La plantureuse déesse semblait avare de mots, et le seul son franchissant ses lèvres pulpeuses et invitantes serait un simple gloussement rieur.*

-Hihi.

*Aon en contrepartie prenait des notes en son grand livre, coulant parfois un regard de merlan frit vers la demoiselle aux formes engageantes*

*Sur scène enfin déboule une déesse harnachée de cuir clouté sombre, portant en chaque main un cimeterre poisseux de sang. Sa mine est inexpressive et patibulaire, et son visage anguleux.*

-Ah, les dieux du Xuan. En retard, comme de coutume…

*De commenter Kordaken, visiblement dérangé en sa galante entreprise et dont le ton reflétait le dédain*

-Et où sont les autres?

*Questionnerait Aon, en élevant un sourcil broussailleux, sa barbe tressaillant*

-Ho. Eh bien… Disons que mes homologues ont, comme qui dirait, eu un petit empêchement… Commençons donc sans eux.

*Le regard d’Aon et de Kordaken dévierait vers les armes de la déesse, sanglantes et bien au clair, puis ils s’adresseraient un regard entendu et un haussement d’épaules. L’autre déesse, elle, aurait tiré un petit miroir de son corsage et replacerait une mèche, absorbée par son propre reflet.*

-Qu’est-ce que j’ai raté?

*De questionner la déesse sanguignolente, avant de déposer les armes contre une patte de table voisine et se tirer un siège*

-Si peu, si peu! Nous nous apprêtions à mettre la table…

*La rassurerait Aon, d’une mimique désinvolte, avant que le rideau ne se baisse*

Acte II – Le dessert du Sina’Far

*Le trio que forment Aon, Kordaken et Lysaelle est encore attablé aux mêmes places, lorsque le rideau s’ouvre. Ils échangent à voix basse, tout en murmures complices et amusé. Les trois semblent intéressés par une partie plus australe de la carte. Tout au sud, ils semblent avoir érigé un construit, de denrées qu’ils avaient trouvé, qui semble symboliser une ville.*

-Et là, des fermes, bien pensé Lysaelle, bien pensé. Plus j’y pense, plus je me dis que je nommerais bien mon au-delà en votre honneur douce dame. Lysée… Ça sonne bien, vous pensez? Une lande d'une fécondité opulente, de vertes collines aux douces rondeurs invitantes...

*Pour toute réponse, la déesse glousse et se tortille sur sa chaise, visiblement flattée*

*Sur ces entrefaites, Derna entre en scène, et porte ses yeux au plafond, exaspérée*

-Ah mais, vous n’en finissez plus de finir… Ne vous vous lassez donc pas, de jouer à la poupée? N’avez-vous pas passé l’âge des gamineries?

-Ce n’est pas parce qu’on est là depuis l’aube des temps qu’il faut être blasé…!

*Répondrait Aon, docte, en déplaçant des cubes de fromage et les empilant en un cône, avant de défier d’un regard ses deux comparses d’amusement*

-Là. Une pyramide. Pas mal, han?

*Les deux autres dodelinèrent la tête, d’assentiment*

*Une nouvelle présence se fit voir sur scène, d’abord une tête curieuse, paraissant au-delà du rideau, puis un corps entier, court sur patte. C’était un kardar, petit, malingre, le visage à demi caché d’une barbe broussailleuse, qui devait deviner une bouille joviale.*

-Eh… Qui c’est, ça?

*Demanda Derna. Les trois dieux ne relevèrent pas le regard, tout absorbés qu’ils étaient à leur jeu*

*Les épaules tressautant d’un rire silencieux, le kardar vint soigneusement prendre un des petits gâteaux sur la table, et vint le poser mine de rien sur un siège avoisinant Derna. La déesse à l’armure poisseuse de sang sourcille, visiblement peu dupe du manège du farceur qu’elle avait pu observer*

-Ah voilà ce qui manquait. Après une armure d’apparat vide, un vieux débris gâteux et une belle plante… un pitre. Splen-di-de.

*La déesse secoua la tête, exaspérée, pour appuyer son propos*

-Allons petite dame, quelle rabat-joie vous faites. Une bonne farce met toujours le rire au cœur, vous ne savez pas?

*La déesse plisse les yeux, en observant le trio attablé, comme si elle s’affairait à réfléchir à l’offre. Puis, enfin, elle vint hocher*

-Peut-être, peut-être. C’est qu’il me faut essayer. Peut-être qu’en fait, vous pourriez m’y aider…

-Elmagan, pour vous servir. Génie extraordinaire, maître des magies pliant réalité à sa volonté, jouant de la fibre du monde comme d’une lyre, mortel rendu dieu pendant que vous n’y regardiez pas.

-Ah. Et humble aussi. Merveilleux. Parce qu'il nous en manquait aussi des comme ça.

*Soufflerait Derna, en un indifférent et caustique constat, comme si elle le laissait dire, avant de couper court*

-Bon alors, si vous avez fini de vous astiquer l'égo, j’ai une idée de farce à proposer.

*Elle se penche pour murmurer au Kardar, dont l’expression bonhomme s’illumine aussitôt.*

-Ah bien pensé! Une facétieuse dormait en vous, qui vient de s’éveiller. Bon bon bon…! Allons-y-donc! AHEM!

*Le Kardar interpellerait le trio, s’imposant en leur espace en se faufilant entre leurs chaises, les bousulant un peu, brisant leur harmonie. Devant leur hébétude il vint dire*

-Elmagan, dieu de la magie. Pardon, pardon, excusez moi... je viens prendre ma place ici.

-Dieu de la magie… N’importe quoi.

*Soupirerait le Paladin, dubitatif.*

-Ah certains n’aiment pas le changement et ont leurs petites habitudes, je vois je vois. Maiiiiiis je vous assure pourtant que c’est le cas! Cela dit… J’ai cru comprendre qu’il me faudrait confondre les sceptiques de mes dons. Ainsi permettez-moi une démonstration.

*Le kardar se frotterait les mains, malicieux, un sourire amusé déjà peint aux lèvres dans l’anticipation de sa blague*

-Attention, je peux non seulement conjurer des aliments, mais aussi les faire léviter, et disparaitre, pour être maitre de l’éther et de la matière…! Je vais vous en mettre plein les yeux, je peux vous l’assurer.

-On verra, on verra…

*De dire un Kordaken au ton circonspect, croisant les bras dans un atroce grincement de son armure métallique mal huilée*

*Le Kardar gesticule, et incante successivement la formule de conjuration de nourriture, puis, celle de télékinésie*

-In Mani Ylem…  Ort Por Ylem…!

*Des coulisses et grâce à une corde, un gâteau est descendu du plafond, reposant sur un large plateau. C’est une pièce montée colossale, couverte de glaçage blanc, aux bordures décorées de petits biscuits sablés.*

-OOooooOooh!

*S’extasierait Lysaelle, émerveillée, un grand sourire aux lèvres, applaudissant jovialement. Ses deux compères, eux, sembleraient peu convaincus, murés dans le stoïcisme et le silence*

*Puis, le Kardar claque des doigts, en coulisse la corde est relâchée et la pièce montée s’écrase avec fracas sur le construit du sud de la table-mappemonde, envoyant voler tout le construit de la « cité » bâtie en aliments, et du glaçage sur les trois attablés*

*Le Kardar rieur relancerait le trio d’un ton farce*

-Quand je disais que je vous en mettrais plein les yeux…!

*Lysaelle afficherait une moue boudeuse, Kordaken se serait levé d’un bon, Aon épongerait les pages de son livre éclaboussé d’une serviette de table, en ronchonnant*

*Dans un grincement Kordaken se tournerait, non pas vers le farceur mais vers le vieux dieu assis non loin*

-Aon, tu ne l’as pas vu venir, celle-là?!

-Mais… Je le savais… C’est… euh… que… je ne m’en souvenais pas! Voilà…! C’est écrit… forcément, quelque part…! Mais c’est la faute de l’autre petit malin aussi, j’y aurait sans doute pensé sans toute cette damnée magie qui m’a distrait!

*Bafouillerait Aon en rétorque, embarassé et vexé, dévisageant Kordaken avec les sourcils froncés*

-Et ça t'aurait fendu de nous le dire avant..?!

*Gronda le paladin, encore froissé*

-C’est malin, notre Empire est ruiné maintenant…!

*Geignit Lysaelle, son beau visage froissé en une expression toute dépitée*

*Pendant que la trinité assise se houspillait à mi-voix avec force de gesticulations, toute leur belle complicité de naguère envolée en un instant, Derna se para la première fois d’un sourire, qui paraissait carnassier sur son visage émacié.*

-Quand je disais que vous avez le don pour la farce…!

*De commenter vers elle le Kardar qui irradiait de joie, devant le succès de son tour*

*Du trio encore le ton monta*

-Eh bien si c’est comme ça, on fera chacun notre affaire! Je ne prendrai pour moi que la crème de la crème! Pure, aérienne, immaculée!

*Tonnerait Kordaken, brandissant sa lourde épée… pour aller racler sur le relief du gâteau écrasé le glaçage étalé afin de se l’approprier, poussant tout en tas au centre de la carte avec le tranchant de l’arme.*

-À mon âge c’est plus sage et raisonnable de se contenter de petits sablés. Ça fait merveille, au fond, avec le thé…!

*De dire doctement Aon, son index brandi s’abaissant pour saisir, entre ce doigt et le pouce un de ces biscuits. Il laisserait les autres là où le dessert avait pu s’effondrer.*

-Eh bien moi, je prendrai le reste. La farine et le froment du bon grain mûr. Les œufs féconds. Les fruits fragrants. Les sucs de la vie, et tout leur étalage opulent.

*Revendiquerait Lysaelle, l’expression boudeuse rendue presque arrogante, tandis qu’elle s’étirerait, étalant presque ses formes pleines sur la table pour empiler en son assiette une portion d’ogresse, puisé dans le gâteau rendu informe à la cuiller. Puis elle irait s’installer sur le coin ouest de la table, posant là son assiette trop pleine.*

*Le trio d’inséparables désormais refroidi éructerait en chœur, en se fusillant du regard.*

-Et les mortels que j’ai pris sous mon aile m’aimeront, et m’aduleront bien davantage que les vôtres, cela, je vous le dis, pour ne répondre que de moi. Je modèlerai leur monde à ma manière, serai la consécration de toutes leurs prières…! Ils ne vivront plus que par, et pour moi!

*Le sourire de Derna, restée debout en abord de tablée, serait jubilant. Visiblement, elle se délectait bien davantage de cette querelle intestine que de tout repas qu’on aurait pu lui offrir.*

*Le Kardar se dandinerait, lui, son sourire devenu de plus en plus incertain jusqu’à s’évaporer tout à fait, tandis que la bisbille entre divinités prenait vilaine tournure*

*Derna aurait quelques mots, pour le kardar malaisé. Les trois autres, toujours à se houspiller à mi-voix ne semblaient pas écouter une seule parole de son propos, renfermés sur eux-mêmes, tout à leur empire effondré et leurs égos froissés*

-Moi je ne me soucie pas qu’ils m’aiment ces mortels dont je n’ai cure. Je laisse les autres se battre pour les miettes dispersées sur la nappe. Ces mortels, naturellement ils me craindront, porteront en leur cœur le souvenir de mon courroux et dispenseront prières, pour que je les en épargne... À farceur, farceur et demi… Et tel est pris qui croyait prendre.

*Radieuse, Derna sortirait du côté des coulisses en saluant le Kardar sans plus de façons, d’un geste de main désinvolte et narquois*

*Malaisé encore, le kardar se jucherait sur la chaise la plus proche du Sud*

-Bha merde, si j’avais su… Enfin à ce compte, autant me prendre un peu de dessert du Sina’Far.

*Et dépité, avec un sourire doux-amer, le Kardar piquerait sa cuiller dans les débris de pâte jaune et de glaçage blanc qui couvrait désormais tout le sud du continent tracé sur la table*

Acte III – Le Panthéon

*À la table, un quatuor de divins (Kordaken, Lysaelle, Aon et Elmagan) discute, devant des piles de denrées accumulées sur la mappemonde, empilées précisément sur les grands centres de civilisation d’autrefois. Ils échangent avec animation, et sans hostilité*

*Soudain, Tork apparait, confus, depuis les coulisses. C’est un gorlak colossal et musculeux, dont la carrure, la peau verte peinte de stries sanglantes et le simple pagne pour toute tenue laissent deviner un guerrier de base de la Horde.*

*Le quatuor de dieux, à la table, s’interrompt dans leur gestuelle et leur échange pour dévisager le colosse fraichement apparu, qui renifle et jauge de droite à gauche, tout confus*

- Mais qu’est-ce que c’est encore que ces conneries.

*De trancher Kordaken, péremptoire, retourné en un grincement vers le nouveau venu, toujours aussi rigide dans son armure mal huilée*

*Aon lèverait un doigt, et feuilletterait frénétiquement le gros ouvrage à ses côtés*

- Il semble que ce soit la séquelle d’une bataille, en bas! Ah zut, on n’a pas surveillé les lunes et paraitrait qu’elles se sont alignées quand ce gros dadais se tenait sur une pile de corps, d’un champ de bataille ravagé.

*Le gorlak renâclerait, intrigué, incertain*

-Alors, j’être un dieu?!

*Il s’avance, incertain mais avec un semblant d’enthousiasme vers la table, faisant sonner chacun de ses pas lourds sur les planches de la scène*

*Lysaelle et Aon lui renverraient un regard entre dédain et ennui, Kordaken aurait tourné son visage harnaché vers le gorlak, et on lui présumerait l’équivalent*

*Le gorlak ferait mine de se tirer un siège, quand Aon tonnerait, prenant son grand livre à deux mains pour dégager le gorlak qui voudrait s’installer de près avec juste un petit coup*

-Ah non, pas à table, les animaux et les monstres.

*Le coup du livre, pourtant réalisé par un vieillard et bien qu’il semblait sans violence, semblait avoir couché le gorlak au pied de la table, étalé là de tout son long comme d’un coup de massue*

*Lysaelle semblerait faire montre d’un peu de charité, et poserait une assiette de viande à leurs pieds, que le gorlak puisse y manger, son beau visage encore froissé par le dédain*

*À quatre pattes devant sa plâtrée de viande, comme un animal domestique, le gorlak feulerait, indigné, tentant de se relever, pour dévisager dans l’assemblée le plus petits des quatre, Elmagan, et même le pointer d’un gros doigt quasiment accusateur*

-Mais pourtant, vous avoir un nabot parmi vous, qui avoir droit de cité. Posé à votre table, en droit d’y manger!

*Il tenterait, genoux à terre, de relever la patte vers Elmagan pour le tirer au sol à ses côtés et le déloger de son siège*

-Pas si vite mon petit père! Je suis source de toute magie, et si on ne conjure pas mon nom dans les temples, chaque incantation, chaque sortilège, est une prière qui grandit mon pouvoir.

*Il eut une petite pichenette toute modeste au front du gorlak, le renvoyant à terre comme sous l’effet d’un coup de poing monumental, illustrant la différence de puissance entre le colosse aux muscles ciselés, faible comme un nourrisson devant le petit kardar à la bouille rieuse*

*Kordaken rajouterait, le ton teinté de perplexité*

-Puisque personne n’a voulu de cette créature, ici haut comme d’en bas, puisque j’en déduis qu’un dieu accidentel, personne ne prie ça… peut-on le renvoyer d’où il vienne?

*Aon secouerait la tête, toujours aussi docte, consultant son livre en passant une main dans sa barbe*

-Il est vrai qu’il semble que personne n’en veuille, et que même parmi sa horde nul ne veuille lui rendre hommage ni ne reconnaisse sa divinité. Voilà qui est bien embêtant…

*Puis Derna profilerait sur scène, toujours patibulaire, toujours en sinistre armure cloutée. Cette fois, plutôt que solitaire, elle aurait tout un cortège : un homme aux atours squelettique en apparence, visage osseux et blanc émergeant d’une toge de mage, un adolescent au visage frais et pâle paré d’un sourire un rien narquois, et une adolescente livide au visage affaissé en une perpétuelle moue mécontentée*

-Ah Derna, tu arrives à point nommé… Nous pensions que tu pourrais aider avec un épineux problème qui nécessiterait ton… doigté?

*Kordaken dirait ceci, un rien sardonique, avant de passer un index à sa gorge pour mimer l’idée d’assassinat*

-Si c’est toi qui demande, vieux bougre, je ne m’y collerai pas. Je ne te dois rien, et ne sers personne si ce n'est que moi. Demande plutôt aux tiens de faire pour toi basse besogne, ça ne te changera pas.

*En approchant de la table, le visage de Derna s’éclairerait, et on la verrait terriblement cernée, d’horribles poches noires illustrant une fatigue certaine. Pour la première fois depuis le début de l’épopée, elle viendrait s’asseoir, ou plutôt crouler, sur un siège en bout de tablée, semblant vidée*

-Ooh, de la chair fraiche, et quelle chair! Voyez-vous ça? Tu vois ça, chérie?

*L’homme squelettique en tenue de mage avancerait vers la tablée comme chez lui, le ton joueur et les orbites tournées vers les charmes mis en évidence par la déesse Lysaelle. Il s’inclinerait, fort délibérément, devant la poitrine opulente de l’intéressée*

-Eh bah et bah! Avé, vous deux! Que je me présente, Lakkak, éminent sorcier, et maître de la mort et de ce qui se trouve au-delà… Toujours un plaisir de connaître la divinité de très, très près…

*Il eut une œillade vers Derna, du genre qu’un mari certain de son empire sur son épouse aurait pour cette dernière. Derna roulerait alors de ses yeux cernés*

-Et que je peux volontiers partager mes secrets à qui me montre de l’avenance… Comme qui dirait, il suffit de me montrer les vôtres que je montre les miens…!

*Lysaelle glousserait, voilant un sourire amusé de sa main, et invitant de l’autre le squelette à s’installer. Il viendrait tirer une chaise près de Lysaelle, écartant Kordaken de sa place et posant une main sur la cuisse de la plantureuse déesse, avec l’assurance d’un maquereau*

-La vie et la mort ne peuvent que s’étreindre, dichotomie complémentaire en tout, vouée à faire corps et dormir dans le même lit… Et de ce cycle que vous protégez, déesse de la vie que vous êtes… je pourrais vous montrer une autre facette si vous aviez l’obligeance de vous retourner…

*Kordaken, visiblement fulminant, les bras croisés, observerait l’outrancier avant de tonner*

-Mais ça va bien, oui!? S’il est permis! Que de grossièreté! Et d’où celui-là viendrait-il de débarquer?

*Lakkak, assuré comme un cardinal, viendrait répondre à l’armuré avec une franchise sans filtre*

-Ah mais, je saute l’autre et c’est elle qui m’a fait dieu. C’est donc dire à quel point je dois être bon coup, si c’est là que nous en sommes arrivés. Alors Kordaken, benil mais je ne te dois rien. Comme hastane fidèle, loyal, droit et dévot j’ai été mal compensé. Alors voyant l’opportunité, et ayant déesse charmée, je me suis dit qu’il fallait prendre de mes propres mains, ce qui ne m’a été donné.

*Il laisserait un temps de flottement, les dents exposées de son crâne blanchi et apparent laissant paraitre ce qui semblait un sempiternel sourire*

-Pas vrai ma biche…?

*Derna passerait une main lasse sur son visage fatigué, pendant que les autres divinités, du gorlak au sol aux autres attablés, la dévisageraient*

*Puis l’adolescent s’avancerait ensuite, trouvant un siège non loin de Derna*

-Si le paternel peut se poser, je le peux aussi. Après tout, divin je suis, de droit comme de sang. Pas vrai, maman?

*Derna concéderait, d’un hochement tout aussi las*

*Une stridente complainte émanerait aussitôt de l’adolescente, dès que l’adolescent aurait calé ses fesses dans le siège.*

-Maaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaieuh! Mâaaaaaaaamaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaan! Il a pris la meilleure place. Je la voulais! C’est trop injuuuuuuuuuste!

*L’adolescent glouton s’empiffrerait de denrée râflées sur la table, avec un appétit digne de son âge, tandis que la gamine boudeuse chercherait à le bousculer, et l’empêcher, en lui arrachant des morceaux avec des mimiques d’enfant gâtée*

*Derna masserait l’arête de son nez du pouce et de l’index, gagnée d’une évidente exaspération qui se lisait sur ses traits tirés*

*L’adolescente s’approcherait, pour chamailler son confrère, tandis que les divinités attablées s’échangeraient des regards incommodés*

*Lakkak tonnerait, toujours désinvolte et débonnaire, indiquant le rideau des coulisses d’un doigt osseux, un regard sur les enfants chamailleurs. Il prendrait ses aises, carré sur son siège comme un prince, précipitant du vin dans sa gorge squelettique, et en l’occurrence s’en aspergeant, le liquide coulant librement sur son corps et sa toge jusqu’à terre.*

-Bon, les gamins, allez jouer dehors chez les mortels, ça suffit d’emmerder le monde! Ça vous fera du bien, et peut-être quelques dévots… Dire qu’il y en a qui prient une lune! Une lune! Quel merdier! Et qu’à cette table, il s’en trouve que personne ne prie. Ah la la, ça se prétend tout-puissant, mais ça sait pas gérer les réalités ordinaires. Il en faut bien un qui sache à quoi s’y tenir ici… Nom de moi!

*En pestant, maugréant et se poussant mutuellement, les adolescents se relèveraient, pour se diriger vers les coulisses.*
*Lakkak les retiendrait d’un geste, et d’une parole*

-Hep! Et emmenez le chien avec vous! Tant qu’à ne pas savoir qu’en faire!

*Et il dégagerait le gorlak de sous la table avec un coup de pied. Le trio de dieux, les deux adolescents comme le gorlak, prendraient le chemin des coulisses, leurs jurons et protestations respectives se mélangeant. Lakkak reprendrait*

-Quant à moi… je suis tout à mon mandat de répandre la nécrophilie sur les landes… !

*Aon sourcillerait, sa barbe s’agitant un rien avant qu’il ne rétorque*

-Ne veux-tu pas dire la nécromancie?

-Cestes, cestes… J’ai bien dit la nécrophilie.

*L’homme aux atours squelettique enverrait une œillade vers sa voisine, qu’on pouvait deviner lubrique*

-Mes enfants en ce bas-monde y veilleront, ceux que j’ai faits et qui me galvanisent… Moi du reste… Je veillerai ci-haut à ma mission. Soit, de délivrer une pauvre demoiselle d’un vieillard souffreteux et d’une boite de conserve dont la droiture prétendue n’est que morale… Allons la belle! Autour de l’os, il faut mettre de la chair!

*Il se relèverait, et empoignerait la main d’une Lysaelle rieuse et gloussante, et la précipiterait d’une petite tape sur les fesses vers les coulisses, pour l’y presser avant de la suivre*

-À … dieux, vous autres!

*Sur son siège, Aon s’agiterait, alarmé, en laissant tomber une interjection, tandis que l’armure d’un Kordaken crispé grincerait encore tandis que le divin paladin esquisserait rageurs mouvements, et que les épaules d’Elmagan tressauteraient d’un rire contenu*

-Ho la! Si tes… « enfants », que ce soit ces deux gamins intenables, ou ces mortels d’en bas, te demandent, on leur dit quoi?!

-Eeeeuh et bien… dites-leur que je suis « captif » et « retenu ». Voilà tout. Et il y a un fond de vrai, héhé. Qu'on ne me fasse pas chier, je suis ... occupé. Et si rien n’y fait, envoyez-leur un corbeau et dites que c’est un signe de moi, ça leur fera les pieds.

*Derna, défaite et mortifiée, regarderait alors Lysaelle et Lakkak s’éclipser, le regard d’Aon, Elmagan et Kordaken pesant sur elle*

-Il y a des jours, je vous jure, on a envie de tout raser…

-Il faut s’en tenir, Derna, à ce que l’on sait… Chaque mortelle qui a dû gérer des adolescents et un mari volage aurait bien pu te prédire ce que je vais te dire là, et aurait bien voulu voir le monde s’envoler en cendres comme tu le souhaite maintenant. Si tu m’avais demandé, je t’aurais bien dit que c’était pour arriver… On voit bien que de créer la vie, de créer les dieux, ce n’est pas ta tasse de thé.

*Soufflerait pompeusement Aon, avant de lever l’index*

-Parlant de ça! FEMME, LE THÉ!!!

*Une silencieuse et furtive demoiselle en atours Kheijan viendrait faire le service à la table, versant du thé brûlant dans la tasse du vieux dieu, et prenant sur un plateau les déchets de table*

*Kordaken, circonspect, le questionnerait*

-Ne me dis pas que tu as aussi élevé une mortelle au rang divin, ça devient n’importe quoi. S’il faut élever quiconque papillonne assez bien des cils et qui a la jambe assez galbée, nous ne nous en sortirons plus. Quelle idée justement, que d’élever au rang divin qui nous a charmé!

*Derna et Aon enverraient un petit regard vers les coulisses, desquels un gloussement sonore de Lysaelle proviendrait, puis renverraient un regard lourd de sens vers Kordaken, qui se dédouanerait d’un geste ample des deux bras, comme pour signaler que c’était là bien différent, avant qu’Aon ne réponde.*

-Et du tout, du tout. Il ne faut pas déconner. Entre dieux du Zhel il faut garder un peu d’ordre… C'est aussi ça le mérite de la tradition : chacun sa place, et nul n'a à y repenser ou à le contester. Les choses sont ce qu'elles sont, pas la peine d'en causer! Elle n’est là que pour servir, et débarrasser notre table de ce qu’on ne veut plus et dont on n’a plus usage. Les déchets du banquet, et les âmes usées des mortels expirés, dont elle saura disposer…

*Pendant ce temps, l’obséquieuse femme parée de voiles qui moulaient ses formes empilait sur son plateau les déchets de table*

*Lakkak reparaitrait depuis les coulisses, la robe de mage nouée à la taille, les os visibles sur ce corps dénudé, il serait visiblement essoufflé, et viendrait sans manière empoigner un pichet sur la tablée pour s’en verser sur le visage et la gorge, laissant à ses pieds une flaque d’ambroisie monumentale*

-Il fait soif! Fallait que je m’hydrate…! Oh. Qui voilà! Je vais prendre ça, aussi, ne vous dérangez pas pour moi. Après tout je dois veiller de près au tri des âmes mortes… Hop hop…! Estyla, c’est ça?

*Il ceindrait la taille de la serveuse de son bras, l’emmenant elle et son plateau vers les coulisses*

*Derna eut un grondement exaspéré en levant les yeux au plafond, cuvant visiblement son humiliation et sa gêne, massant ses tempes de ses doigts*

*Elmagan, conciliant et rieur eut un regard compatissant pour la déesse.*

-Oh j’ai une idée qui va nous amuser… Que diriez-vous, là, que de créer sur le monde une bonde quelconque, le liant à une semblance d’apocalypse sous la forme de grand dragon cosmique que les peuples entier devraient s’unir pour endiguer?

*Derna relèverait le minois, intéressée. Kordaken et Aon se rapprocheraient, visiblement aussi intrigués*

-La table devient morose, et il faut bien nous amuser. Dans le bouleversement des mortels et leurs agonies, peut-être pourrons-nous être divertis, ou au moins honorés…? Derna, le ravage te sera attribué et odes te viendront pour te supplier d’arrêter, ou encore te prierons comme la Bête et te deviendront subservients. Conseil de sagesse et suppliques au justicier seront élevées, et en masse les arcanistes viendront incanter. Nous trouverons-là ensemble une solution pour nous satisfaire et nous sustenter… Et si ces mortels crèvent et bien, suffira de les remplacer…! Trouvons pour ce cataclysme un nom farce… J’ai pensé à Carbone, est-ce donc drôle, de voir le monde annihilé par une entité au nom si sot! Et pour endiguer toute l'affaire, pensons à une procédure à la con, compliquée à outrance et qui n'aura que du désagrément pour ces nigauds de mortels... Un truc bien délirant et marrant, auquel on réfléchira quand on sera bien bourrés, après une dizaine de verres...!

*Enthousiasmés, les dieux restants se rapprocheraient, amusés et gagnés par l’idée. Ils afficheraient une connivence rare, visiblement séduits par la perspective qui servait leurs intérêts respectifs. Le rideau se baisserait, sur cette scène d’unité*

Acte IV – Les miettes

*Le rideau se relèverait sur une table en complet chaos, les déchets de table s’empilant, les coupes renversées, la carte tachée de sauces et de coulis divers. Un poulet vivant picorerait ici et là*

*Les dieux sortiraient tous des coulisses. Kordaken s’avancerait le premier, son armure grinçant à chaque pas. Il questionnerait vers les coulisses, et les autres qui en proviendraient. Son ton était courroucé, et de sa main gantée de fer il aurait pointé le poulet qui allait et venait sur la grande carte de la tablée*

-Mais, par tous nous autres, qu’est-ce qui s’est passé! Et qui laisse ce foutu Grakon picorer!

*Deux autres divins viendraient ensuite. Lakkak ceignant la taille de Lysaelle, toujours débraillé, portant sa toge enroulée à la taille comme une serviette.*

-Oh bah… on était distraits nous… J’étais à expliquer que les lignes étaient bien minces entre magie shamanique des esprits et soi-disant nécromancie à notre douce amie, qui forcément était accordée à mon idée que j’ai su lui glisser… Hein ma belle? Alors, franchement, on ne sait rien.

*Derna profilerait ensuite sur scène, ses deux adolescents chamailleurs pinaillant encore ensemble à sa suite, en querelle gestuelle et silencieuse, entre l’arrogant et la rembrunie*

*Elle passerait devant Lakkak, qui lui claquerait une fesse au passage. Derna lui rendrait la claque en une gifle sentie, passant son chemin*

-Toujours aussi farouche, j’adore.

*De commenter le squelette lubrique en se frottant la joue. Puis il commenterait en une confidence soufflée très fort, vers Elmagan qui venait de sortir des coulisses, quasiment en gambadant, pour s’approcher de la table*

-Destructrice qu’on la désigne, toute puissance faite femme tant qu’on voudra, elle dépend de moi. De la mort, elle ne se passerait pas, elle a un petit gout de revenez-y! Il faut bien un père qui sache gérer ses enfants, et les ressuscite sitôt que leurs bourdes les mettent dans un mauvais pas!

*Derna foudroierait d’un regard blasé son amant, sans pour autant le contredire d’une parole, avant de revenir vers la table*

J’aimerais bien revendiquer l’affaire, mais ce n’est pas de moi.

*Faraud, l’adolescent se frotte le menton, et demande*

-Et si c’était le fruit de mon œuvre, vous seriez impressionnés…?

*En chœur, les dieux présents répondraient, sans plus de prévenance et avec une visible indifférence.*

-Non, Malmoth.

*L’adolescent aurait une mine dépitée, pendant que sa sœur se prendrait d’un rire mauvais, sans s’en cacher et en pointant d'un index moqueur le dieu débouté*

-Haha, je te l’avais bien dit.

*Frustré, l’adolescent bousculerait sa consoeur, qui viendrait couiner très fort en tapant du pied au sol*

-Mamaaaaaaaaaaaaaaan! Il recommence!

*Bourrue, Derna couperait court, indiquant d’un geste ample de la main le côté sud de la carte ou le relief du gâteau effondré trônait encore.*

-Suffit, vous deux! Si ça continue vous serez privés de désert!

*Elmagan embêté se frotterait la nuque*

-J’y suis pour rien, aussi… Mais la magie part en couille, là. C’est à se demander si je n’aurais pas dû rester à table pour voir ce qui a pu arriver… Les mortels, c’est comme le lait sur le feu, on ne peut pas partir pisser il semble sans qu’ils ne mettent le monde en ruine…

*Tork et Aon rappliqueraient enfin des coulisses, le vieillard ayant trouvé usage au dieu, lui faisant porter son grand livre. Le gorlak était en débat ardent avec le vieux sage*

-Et si j’être dieu de la guerre…?

-Ah mais non, il y en a déjà deux, entre Derna et Kordaken, avec Lakkak qui s'occupe des morts en arrière. Sans compter les êtres purs qui se revendiquent cet art là.

-Eum… Dieu de renouveau?

-Mais allons! Entre Malmoth pour la réinvention, Lakkak pour la résurrection et Lysaelle pour le cycle, la place est plus que prise.

-De mise à l’épreuve…? De puissance?

-Derna assume ça, déjà, je pense. Et ne me sors pas la justice, la sagesse, la magie… on tombe dans le délire, là, je te dis. Puisqu'on sait, que tu sers à rien à un moment donné il faut assumer!

*Le gorlak aurait un grondement dépité*

-C’être injuste à la fin, il rester rien pour moi!

*La petite Malnara sourcillerait, alerte, et elle s’avancerait devant le gros gorlak, les joues gonflées en brandissant un index*

-Ah mais, la jalousie c’est à moi! Pas touche, goujat!

*Devant la menace de la gamine, le gorlak déconfit se recroquevillerait, courbant ses larges épaules, habitué aux rebuffades des dieux plus puissants*

-Au moins tu peux aider un peu…

*Soupirerait Aon, d’un ton conciliant, en faisant mine de reprendre son grand livre*

*Le gorlak pataud lui rendrait, mais en même temps le ferait s’ouvrir, et une foule des pages s’écraserait au sol, dans les débris de nourriture et de vinasse. On verrait même tomber, couverture en évidence, un livre enchâssé dans le massif ouvrage, au titre « Les cerises de Jeanne » et une image fort graphique pour l’illustrer*

*Le vieux dieu roulerait les yeux, en prenant le reste de ce grand livre en maugréant pour l'assemblée, et pour personne en particulier.*

-Et même encore là... inutile jusqu'au bout, il faudrait parmi nous un re-dresseur de Torks... Voilà la culture qui finit parmi l'ordure, dans le caniveau! Et n'ayez pas ce regard choqué, si on écrit cul-ture avec un grand -cul- dans le grand livre, c'est bien qu'il y a une raison. Bon on va dire que ce pan d’histoire ne comptait pas trop… ah la la.

*Puis il poserait l’ouvrage sur un coin de la table-mappemonde pas trop sale, pour le consulter*

-Comment voir quoi que ce soit dans le monde des mortels, avec l’autre clampin qui m’a tenu la jambe pour les derniers éons… Aaaah, le voilà le problème. Ce sont les lunes, là, qui sont tombées.

*Un murmure de stupeur, de stupéfaction, se répandrait parmi les divins autour de la table. Kordaken se scandaliserait à voix haute le premier.*

-Attend, les lunes, la source de nos pouvoirs…! Mais, comment, pourquoi?

*Aon maugréerait, en feuilletant frénétiquement les pages de son antédiluvien ouvrage.*

-Je l’avais prédit, là… Le Lysée est fermé, machin, machin… J’ai juste manqué de temps pour en parler.

-Eh bien c’est malin!

*Dirait en chœur l’assemblée divine, en une protestation commune*

-Il ne reste plus qu’à redescendre sur le monde, pour grappiller les restes du pouvoir, se tenir et se sustenter… Si c’était digne de nous, que de faire festin des miettes…

*Gronderait Kordaken de mauvais gré, mécontenté, en désignant la table ravagée de sa main gantée de fer*

*Dépitée, l’assemblée divine cheminerait vers les coulisses côté cour, avec résignation et en se trainant les pieds. Quand les derniers dieux seraient partis, on verrait un duo profiler côté jardin, se houspillant. Un homme hastane vêtu fort richement de velours verts et de soie blanche, et une succube tapageuse aux vastes ailes noires, à la chevelure ténébreuse et à la tenue révélatrice*

-Ah mon beau Richcoeur, c’est ça, le pinnacle de la divinité? Quelle mocheté! Il ne reste rien, si ce n’est que des miettes!

*Questionnerait la succube, avec une mimique désappointée, en tombant devant la table saccagée*

-Autant dire… je suis déçu. Est-ce une façon, de recevoir les nouveaux divins au panthéon?! Même aux trois-chats dans les bas-fonds de Citria, on banquettait mieux que cela! Cet accueil est digne de toi peut-être, créature impie, mais moi!? Jamais!

*Répondrait le hastane à la mortane, aussi déconfit qu’elle dans l’expression, les poings sur les hanches*

-Je ne ramasse pas ça!!!

*Diraient-ils en chœur, puis ils se confronteraient d’un regard*

-Sais-tu, mon mignon, qu’Élyse est un anagramme de Lysée? Et, Richcoeur-de-mon-cœur, et bien je compte bien aller la retrouver si tant que le ravage ne l’ait trop abimée. Espérons qu’elle est aussi bien conservée que l’anagramme qui l’a constituée. Des dieux après tout, de simples mortels doivent bien savoir jouer! Et, je m’ennuie devant cette tablée vide. Je veux m’amuser!

*Folâtre, la succube ferait mine de prendre le chemin des coulisses, et l’hastane la bousculerait avec la même précipitation, tandis que les deux se chamailleraient en repartant d’où ils étaient venus, en hurlant de concert*

-J’ARRIVE ÉLYSE!

*Puis, la scène resterait vide, et silencieuse, un temps. Les lumières se tamiseraient. Le rideau ferait mine de se fermer… et soudain tout s’interromprait. Une figure mystérieuse et inconnue, parée de voiles divers masquant sa silhouette, d’une capuche obscurant ses traits, s’avancerait devant la table.*

*Elle contemplerait le ravage, les chaises éparses, les débris du banquet et la scène désolée. Puis, elle pousserait un long soupir, et d’un surplis de sa toge elle tirerait un petit tablier blanc qu’elle nouerait à sa taille. La voix de l’entité s’éleverait, aussi androgyne que son apparence. *

-Aaaah nom de nom…! Quel merdier ils ont mis. Il faut bien que quelqu’un nettoie tout ça. Et, évidemment, c’est moi qui s’y colle.

*Et enfin, le rideau se fermerait*

Après le spectacle, qui en aurait laissé certain en pleine stupeur en vertu de son parfum de sacrilège et de scandale, les acteurs se seraient mêlés à la foule des spectateurs et auraient pris part à leur amusement. Recevant les félicitations avec réserve, et l’or avec un brin moins de réserve, Ali replaçait le costume étrange dont il avait dû s’affubler pour incarner Lakkak, d’ossement brodés sur le tissu pour simuler une apparence de squelette, en commentant à ses convives : « J’avais déjà dû jouer une succube lubrique la dernière fois, je présume que c’est ton sur ton et que ce rôle était fait pour moi » Thalia de son côté s’était jointe à une autre tablée pour une chanson à boire, arborant encore fièrement la barbe blanche du « sage » Aon dont elle avait décidé d’endosser le rôle, preuve vivante que la sagesse n’était jamais loin d’un définitif grain de folie.

Le daelwena qui incarnait Kordaken avait retiré le heaume de son costume, et épongeait la sueur (et les reliefs de glaçage) qui maculaient son minois. Preuve vivante que les grands remparts de la tradition cachaient parfois une autre figure que l’on ne suspectait pas. Cette petite nargolith qui incarnait Malnara avait perdu ses airs bourrus, et avait « par inadvertance » renversé du vin sur la chemise de l’interlocuteur qui avait qualifié le nom de Suzanne, dont elle s’était présentée, de pseudonyme hastane. Preuve vivante que ceux qui cherchaient à se prouver au monde ou à eux-mêmes, à combler un manque en émulant plus grands que soi, n’étaient pas que des errances maussades. Le nalkiri qui avait incarné Tork s’était rincé à grande eau pour se départir de son maquillage sans grand succès, et il paraissait dans la foule, dépassant tout le monde d’une tête, avec des allures de tigre strié de vert. Preuve vivante que tout n’était pas comme on semblait le voir au premier abord, tant en matière de nature que de puissance. L’adolescent qui incarnait Malmoth le tentateur comme la femme qui endossaient le rôle de Derna la destructrice, une fois débarbouillés révélaient une peau mate, plausiblement Khejane ou Hastane, preuve vivante que ces concepts de tentation et de destruction étaient universels, et dépassaient de loin les limites prédéfinies du Xuan, du Yen ou du Zhel. On eut la même surprise, en voyant l’acteur de Richcoeur laver le rose de sa peau et se révéler pâle nargolith au sourire joueur.

Dans une ambiance de fête, tandis que le monde brûlait et que les désespoirs avaient fâcheuse tendance à fleurir, on soulignait la fin des dieux… On choisissait de vivre et de saisir l'instant comme s'il était le dernier, sachant qu'au lendemain dans un monde en friche on pouvait mourir.

Mais au-delà des festivités, demeurait une leçon sur laquelle les sages (et désormais rarissimes) drakans n'auraient pas crachés. Une leçon que les rôdeurs des trois flèches, peu importe leur origine, connaissaient bien… la nature tendait à se renouveler d’elle-même, et le monde cherchait à rétablir son propre équilibre, bon gré mal gré. La soirée s’achèverait, mémorable pour qui n’avait trop noyé sa cervelle dans l’alcool qui coulait à flot, sur une note d’espérance du renouveau. Ce qui s’achevait était voué à renaître, d’une façon ou l’autre. Le grand mystère était comment.

Hamelin d'Ortans, Hastane, Élyse de Lioncour, Richcoeur, Hastane et Ekatereliae, Nargolith aiment ce message

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