Comment cultiver un aventurier

i. L’enfance de Jonathan : le poison de la connaissance

C’était une nuit des plus attendues chez les Cole. Sous Véridia, Alice allait donner naissance au premier fils de Roland. La jeune Mélodie, âgée d’un cycle saisonnier, allait enfin rencontrer son frère, celui qui allait devenir son confident...

« Je te nomme Jonathan. »

Roland était fier d’avoir un fils, il avait de grands projets pour lui. Jonathan pourrait hériter de la ferme familiale de la même façon dont il l’avait obtenu : par son paternel. Avec cette terre, il pourrait nourrir la nation et sa famille. Jonathan pourrait permettre aux Cole de continuer de servir l’Empire…

Alice, elle, avait des aspirations beaucoup plus grandes pour ses enfants. Elle rêvait de les voir s’éduquer afin qu’ils puissent avoir une vie meilleure. Elle avait un désir immense de voir ses enfants s’épanouir au sein du joyau de l’Empire. Hélas, elle savait qu’il leur serait sans doute impossible de se séparer des enfants pour le bien-être de la ferme. Depuis sa naissance, le destin de Jonathan était scellé. Il aiderait son père sur la terre. Peut-être Mélodie avait-elle une chance de s’en sortir?

Amoureux et loin d’être un imbécile, Roland passa plusieurs années à faire des économies tirées du profit de ses récoltes. En secret, il réservait un cadeau pour sa femme. Il voulait qu’elle soit heureuse et qu’elle ne regrette pas de l’avoir épousé. Même si cela pouvait impliquer des sacrifices, ses enfants apprendraient à lire et écrire.

« Ils seront les fermiers les plus éduqués de Kordaken. Ils pourront ainsi s’évader dans les livres que tu aimes tant et connaître les préceptes du Zhel. »

Cette nuit-là, Alice réalisa l’ampleur de la décision de son mari. Roland venait d’abandonner l’idée de payer de la main-d’œuvre pour l’aider, mais permettrait ainsi un avenir meilleur pour ses enfants.

ii. L’adolescence de Jonathan : de cape et de fourche

Âgé de quatorze ans, Jonathan passait énormément de temps à travailler sur la terre familiale. Il aimait particulièrement donner un coup de main à son père. Le travail manuel le rendait plus fort et son aide permettait à son père de passer plus de temps avec son jeune frère David qui avait huit hivers.

Bien qu’il appréciait travailler dans les champs, le cadeau que Jonathan avait obtenu durant sa jeunesse était devenu un poids. Avec ses nouvelles connaissances acquises, Jonathan passait le plus clair de ses nuits à la lueur d’une chandelle. S’il n’avait jamais l’occasion de vivre de grandes épopées ou de défendre la veuve et l’orphelin; il pourrait minimalement vivre celles d’autrui.

Alice se rendit rapidement compte du désir de son fils. Elle décida d’en glisser un mot à Roland alors que, sans le savoir, Mélodie épiait la conversation…

« Ce n’est pas un avenir pour Jonathan que de le garder sur la terre, il aspire à de plus grandes choses… Sans doute sommes-nous capables de nous occuper de la ferme à deux, puis David pourra donner un coup de main d’ici quelques années…
- J’ai déjà consenti à ce que notre fille apprenne la magie, tu ne peux m’enlever mon fils également. Jonathan doit aider sur la ferme, sans lui, je n’y arriverai pas…
- Je pourrai moi-même t’aider, tout ira bien. Je te le promets.
- Cestes, Jonathan restera sur la ferme. Tel est son destin. »

Cette discussion créa un mélange de tristesse et d’excitation pour la jeune espionne. Mélodie n’espérait plus avoir la permission de pouvoir quitter la vie familiale, mais le fait de perdre son frère lui minait énormément le moral.

En catimini, Mélodie entra dans la chambre de son frère afin de lui répéter les mots de son père. Jonathan l’a regarda un instant sans broncher et lui sourit doucement.

« Je vais aider Papa. Ce n’est pas grave. Il a besoin de moi. Promets-moi de m’écrire lorsque tu seras loin. »

Malgré l’attitude de Jonathan, qui semblait plutôt positive à recevoir la nouvelle, Mélodie en était certaine, la lueur que son frère avait généralement dans les yeux s’était éteinte…

Mélodie lui prit la main :
« Ton destin n’est pas celui de rester sur la ferme… Nous pouvons toujours partir ensemble… La ferme t’a rendu plus fort, tu pourras sans doute devenir un écuyer ou encore t’enrôler dans la légion… Viens me rejoindre quand je partirai. »

Jonathan esquissa de nouveau un sourire et le regard tendre :
« Ma place a toujours été ici. » il mit sa main sur celle de Mélodie « Ne t’en fait pas pour moi, tes lettres me garderont compagnie et je m’occuperai de papa et maman. »

Cette nuit-là, ni Mélodie ni Jonathan ne fermèrent les yeux. Mélodie ne pouvait pas concevoir de perdre son frère et Jonathan était finalement confronté à une vérité qu’il avait toujours voulu ignorer.

iii. La vie adulte de Jonathan : de plume et d’épée

Depuis maintenant trois années que son Roland avait promit à Jonathan qu’il s’agissait de la dernière récolte avant qu’il puisse quitter pour Citria. Alice était décédée, Roland lui avait fait la promesse sur son lit de mort que son fils pourrait vivre les aventures dont il rêvait.

Accompagné de son jeune frère, qui était maintenant âgé de 16 ans, Jonathan continuait sans cesse son travail sur les terres. En silence, jamais il ne s’était plaint. Il avait toujours accepté la décision de son père malgré le mal qui le rongeait.

Roland n’était pas dupe. Il voyait bien que bien qu’il affichait un sourire, Jonathan ne semblait pas heureux. C’est pourquoi, il tentait de l’envoyer le plus souvent possible dans la métropole afin de lui faire faire les courses familiales.

Jonathan était fasciné par Citria. Les bruits assourdissants produits par les plébéiens et les patriciens vaquant à leurs occupations l’enivraient au plus haut point. Bien qu’il ne dérogeait jamais réellement de ses tâches, le jeune hastane perdait facilement sa concentration lorsqu’il avait la chance de croiser des chevaliers ou encore des légionnaires…

« Comme dans les livres... »

Les odeurs diversifiées, l’action dans tous les sens et les couleurs qui ornaient les étals du marché avaient tout pour plaire à l’aîné des frères Cole.

Bien que le bonheur procuré par ces escapades était réel, leur effet n’en était que temporaire. Il arrivait également que ces promenades au sein de la métropole rendissent le jeune homme moribond, lui permettant de goûter temporairement aux joies et à la fascination qu’on ne lui permettait pas.

Toujours sans dire un mot, Jonathan prenait son mal en patience. Il devait faire honneur à sa famille comme le voulait la tradition. Les paysans servaient eux aussi la nation après tout…

iv. Le départ : le 23e anniversaire

La veille, Jonathan n’avait pas bien dormi. Comme bien des nuits, il avait troqué son sommeil contre la lecture et le suivi de sa correspondance avec Mélodie qui lui parlait constamment de ses études et de la vie en ville.

C’est donc complètement épuisé qu’il descendit à l’étage alors que le soleil commençait à se montrer le bout du nez. Une surprise attendait cependant l’héritier. Son père et son frère étaient assis à la table, un paquet sur celui-ci.

Roland fit signe à Jonathan de s’asseoir : « Prends place, je t’en prie. »

Souriant, David mit la main sur l’épaule de son frère :

« Voilà quelques années que nous gardons un peu d’or pour t’offrir ce présent…

En ouvrant le paquet, Jonathan trouva une arme et une bourse.

...fais honneur à notre famille et fais connaître le nom des Cole. Je vais rester avec papa et m’occuper de la ferme, ne t’inquiète pas pour nous. Va rejoindre Mélodie et rends-moi fier d’être ton frère. »

Riant, David ajouta : « Papa a peur que nous ne soyons pas capables de te remplacer, mais je l’ai convaincu que tu n’étais qu’un vil paresseux et que je faisais toujours le travail seul de toute façon... »

Jonathan serra dans ses bras son frère. Essuyant une larme de joie, il se tourna vers Roland :

« Père… Je vais me trouver un travail et je vous enverrai des pièces, je le promets. Vous pouvez compter sur moi afin de subvenir à la famille. Je n’oublierai jamais le sacrifice que vous venez de faire... »

Remplie d’émotions, la famille Cole aida l’aîné à faire ses bagages. Jonathan allait enfin pouvoir réaliser son rêve et vivre de fabuleuses aventures...

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