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 (Pièce de Théâtre ) - Ode à la Liberté - Hommage à A. d'Aurevilly

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Thalia, Hastane

Thalia, Hastane


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MessageSujet: (Pièce de Théâtre ) - Ode à la Liberté - Hommage à A. d'Aurevilly   (Pièce de Théâtre ) - Ode à la Liberté - Hommage à A. d'Aurevilly EmptyLun 9 Aoû - 21:39

Prélude - Les chemins (tumultueux) vers Kar

Qu’est-ce que l’Apocalypse, pour un gitan? Était-ce, en vérité, la même que celle des autres? De voir le feu tomber du ciel, la terre et la mer se rebeller, la magie même se dissiper? Il se trouvait une gitane qui pondérait la question, et qui pourtant n’eut grand mal à trouver sa réponse. C’était plutôt de se voir privé de mobilité, de liberté. De devoir tempérer cette envie de courir les chemins si commune aux gens du voyage, au vu des risques que les routes constituaient. Thalia n’avait jamais pu complètement satisfaire aux sommations de sécurité qui lui auraient imposé gentiment de se confiner aux enceintes Citriennes. Les dix ans de désastre qui avaient suivi la chûte des lunes n'y avait rien changé.

Ainsi sur la route, une curieuse délégation faisait son chemin.

Une gitane, qui avec l’âge prenait de l’assurance comme celles de sa souche, parée de plus de bijoux qu’il n’en fallait comme les siens tendaient à en arborer et d’un arc en bandoulière. Autant d’outils de négoce au gré des voyages : la gitane était déterminée à tracer sa route, quitte à payer tribut d’une bague ou de quelques flèches bien envoyées. Devant elle sur le cheval à robe flamboyante, une gamine d’une dizaine d’année, à la chevelure brune et au visage essaimé de quelques taches de son. Et derrière les deux cavalières, une dragonne ancestrale aux écailles dorées, immense et altière, qui constituait le porte-respect de leur petite équipée.
C’est vers Kar que leur regard se portait.

Thalia avait décidé de former cette gamine sise sur la selle au-devant d’elle, chair de sa chair et sang de son sang, aux us gitans. Depuis peu, elle prenait sur elle de l’emmener en ses voyages. Lloyd bougonnait et maugréait parfois, car l’idée ne l’enchantait pas toujours – les chemins étant périlleux. D’une fibre paternelle si vaste que même son armure de Teilium peinait à la contenir, il s’était pourtant résolu à laisser son ainée, à sa propre insistance, voir du pays.

Ainsi Livia, dont le nom se chargeait de souvenir pour être hommage à sa grand-mère Logan, épouse de truand et mère de chevalier, ouvrait grands les yeux sur les splendeurs et la dévastation des chemins. Qu’une clairière paisible, qui semblait semée d’une neige piquetée de fleurs rouges en plein été, était en vérité lande de cendres, de braises, et de sang versé. Qu’au contraire ce qui s’annonçait vallée hostile offrait passage sans encombre, la terre semblant même s’animer pour rendre le passage plus aisé. Terra devenait un immense paradoxe, au gré des caprices des éléments.

La route vers la cité Kardare, depuis Citria, n’avait jamais été si longue à couvrir. Autrefois, pour un chevaucheur capable, ce n’était qu’affaire de quelques heures. Et pour un mage compétent, de minutes. Mais les temps avaient changé. La magie était devenue imprévisible, et les chemins aussi. Il avait fallu faire d’habituels détours : la Horde gorlake, violente mais peu inventive, rôdait en coutumier terrain de chasse qu’était la grotte-aux-trolls et la croisée. La gitane n’avait ni le moyen ni l’envie de tomber nez à nez avec ce qui avait pris l’allure d’armée en constant mouvement. Et elle ne savait que trop bien que les suppôts d’Orgol faisaient preuve de la plus absolue, abjecte et sublime cruauté s’ils avaient le malheur de mettre la patte sur un enfant. Pour cette raison, la gitane avait choisi une route plus scénique et plus familière à tout rôdeur : celle qui menait vers (feu) Ilidelwis, puis bifurquait vers le désert avant d’achever sa course serpentine au pied des remparts Kardars.

Les yeux de la gamine s’emplirent de visions en ce périple-là. Les tertres de marbre luisant d’une curieuse aura colorée, qu’on disait être d’anciens reliquaires de fragments lunaires. Les gigantesques arbres de la forêt éternelle, qui semblaient respirer de concert. Les cercles de pierre, tertres qu’aucune créature hostile ne semblait oser franchir, protégés par l’on ne savait quoi, qui en faisaient des lieux de repos de choix pour les voyageurs. Et même, dans le dernier droit du chemin menant à Kar, une phalange gorlake qui espérait mener une embuscade, mais s’était trouvée assaillie par un arbre qui, par magie, s’était animé d’une vie propre.

Si riche en rebondissements qu’ait été le voyage, rien pourtant ne la préparait à l’effervescence de Kar. À titre de réelle ville neutre, sa population Kardare s’était magnifiée de transfuges nargolith, de réfugiés d’Hishtals, Ilidelwis, Valdelwis, Tyrimar, Talbalim, Najar’Him et même du Val. Si certains Kheijans, Daelwena et Nalkiris avaient trouvé asile à Citria quand les conditions des landes s’étaient envenimées, le désamour pour l’Hastanie en avait poussé d’autres vers un refuge qu’ils imaginaient plus accueillant. Dans une cohue de kermesse, certains miliciens beuglaient pour se faire entendre, et les places autrefois sereines avaient pris une allure de foire. Des marchands de toute origine qui beuglaient pour attirer le chalant. Un petit crieur, qui avait de la voix pour trois et les enterrait pratiquement en annonçant les combats à venir dans l’arène qui ne dérougissait pas. Et même, au détour d’une ruelle, une poignée de cléricaux techno-scientifiques se prenant à parti en plein débat théologique sur une question devenue épineuse depuis que Richcoeur s’était élevé au rang divin et que Bolbec était redescendu sur terre : à savoir qui était le meilleur forgeron des landes.

Une fois le dragon mis à l’abri dans les cavernes avoisinant les remparts (le peuple Kardar étant du Zhel, il fallait plus qu’une petite apocalypse pour se défaire du bon ordre et des lois), la petite et la grande gitane parcoururent les rues achalandées, saluant de vieux amis et d’anciennes connaissances. Était-ce la barbe, les formes pleines? Autant de figures kardares que Thalia avait autrefois connues semblaient à peine vieillies. Pour la majorité d’entre eux, les affaires restaient bonnes et c’était ce qui comptait. Le peuple Kardar n’était pas fataliste, et la présence de Bolbec dans la cité même en avait galvanisé plus d’un. La cité industrieuse offrait un curieux répit. Loin du gravitas conventionnel citrien, Livia s’émerveillait.

Rien d’étonnant : la liberté et l’aventure valait autant pour les gitans que le pain à se mettre sous la dent.
Une rumeur, pourtant, sembla mettre fin à la liesse ambiante et à la bonhommie. Le concours de boisson que se livraient Livia, buvant au pichet la limonade du kiosque de Kylixie, et un Kardar buvant au fût d’un tonneau, fut coupé court. La gravité et l’inquiétude contaminaient plus aisément les landes que la dévastation, et c’était beaucoup dire d’une terre qu’arpentaient désormais Derna, Orgol, Grakon et leurs fidèles.

Au Nord, soufflaient des vents mauvais. La nouvelle de la chute de Sombrum s’était répandue comme un feu de paille.
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Thalia, Hastane

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MessageSujet: Re: (Pièce de Théâtre ) - Ode à la Liberté - Hommage à A. d'Aurevilly   (Pièce de Théâtre ) - Ode à la Liberté - Hommage à A. d'Aurevilly EmptyLun 9 Aoû - 22:03

Le séjour des deux gitanes à Kar s’était étiré. Cette magie imprévisible qui multipliait les ratés depuis la chute des lunes semblait s’être tout à fait dissipée. Les mages émérites ne savaient plus désormais qu’incanter dans le vide, et jurer à égale mesure, sans que l’une ou l’autre de leurs palabres n’ait plus de résultat. Davantage de nargolith s’étaient pressés vers les enceintes de la cité Kardare, et avaient confirmé du bout des lèvres la rumeur : Sombrum était tombée. Certains étaient restés pour défendre les sombres remparts. D’autres, avaient préféré prendre leur chance face aux hostiles éléments, assurés que leur habileté aux armes pourvoirait. D’autres, présumait-on, étaient restés dans les ruines fumantes de la sombre cité, destinés à la défendre jusqu’à sa fin… ou s’étaient tapis, ici et là sur les landes, se croyant mieux servis par eux-mêmes préférant la solitude au marasme bigarré d’une foule qu’ils jugeaient indigne d’eux.

« Ah les nargolith. Même la fin de leur cité se teinte de mystère, et l’on ne sait pas à quoi se tenir… »

Le commentaire tenait de la boutade, sorti de la bouche d'un Kardar, mais il y avait un fond de vrai. Car en effet dans les récits emmêlés des réfugiés et témoins, ponctués de nombreuses contradictions, semés de non-dits et épicés de convictions, on pouvait assumer que même une chatte n’y aurait pas retrouvé ses petits. Mêlée aux Kardars, la gitane en profitait pour dispenser une autre leçon à sa fille : celle de la générosité, de l’ouverture, et surtout de la diplomatie, que les voyageurs à la merci des événements devaient apprendre tôt. Certains nargolith jaugèrent les hastanes parmi la foule bigarrée avec suspicion et réserve, effet d’une guerre jamais proprement achevée dont le souvenir n’était pas loin, même après dix ans. À Citria comme à Sombrum, il existait des rancunes qui avaient la vie dure.

D'autres leçons non-dites passaient à l'enfant, dont la génération aurait la charge de briser des dogmes séculaires, qui avaient désuni les peuples de Terra jusqu'au point de rupture. Ce point où l'on préfère que le monde entier se consume plutôt d'oser la conciliance, où l'on préfère voir adversaire et ennemi brûler quitte à bruler soi-même. Tandis que d'année en année, les landes devenaient plus hostiles, et que les anciens dieux peinaient de plus en plus à protéger leurs ouailles, ces leçons porteraient fruit plus tôt que tard.

Malgré la confusion des circonstances, et leur atrocité, car un autre bastion de Terra venait de tomber… la vie à Kar reprenait son cours, vibrante, brouillonne… Dans les rues, les visages se confondaient, unis bon gré mal gré en une même galère.

Mais en tout ce tumulte, Thalia n’était pas au bout de ses surprises. Une silhouette gracile, au visage sans âge, vint aborder la gitane et souffler un murmure. Par ses manières et ses atours, elle avait des allures gitanes. Certains auraient pu présumer Thalia et cette étrangère parentes. Et pourtant, Thalia afficha la plus grande des stupeurs à la rencontre avant de reprendre contenance. La gitane suivit l’autre femme, et l’on sut que dans une alcove de la taverne kardare elles conversèrent longtemps, avec l’émotion d’amies retrouvées, échangeant une messe basse après l’autre. Exclamations, rires, et même quelques sanglots ponctuèrent cette interminable conversation qui s’étira jusqu’au lever du soleil au lendemain.

Au lendemain, pendant que Livia se régalait (au sens propre et figuré) de toutes les merveilles et les joies que Kar pouvait lui offrir du haut de ses dix années, Thalia avait pris la plume. Dans le semblant de quiétude de la Pointe-à-Turin, face à une mer menaçante et grise qui frappait aux falaises escarpées, elle écrivit tout le jour. Et le jour d’après, dans cette Kar à l’ambiance bon enfant malgré l’adversité, le théâtre s’était activé.

Une pièce allait y être jouée, écrite et répétée la veille par des acteurs trouvés sur le tas.

La mystérieuse demoiselle, et amie de la gitane, y tenait le rôle phare. Pourtant après la représentation, on ne revit plus l’actrice vedette. La stupeur frappa la plupart des rares hastanes de l’assistance (et certains nargolith ne furent pas en reste) : les révélations faites au gré de la pièce étaient toutes plus scandaleuses les unes que les autres… et il était évident que ce récit créerait des remous. Même dans un monde où la fin des temps semblait à nos portes. Forcément : la pièce serait provocatrice, et forçait à repenser ce qu'on croyait évident et acquis... comme la femme à qui elle rendait hommage. Il en allait de même pour bien des vérités qu'il ne faisait pas bon dire, ou dépeindre.

Les rumeurs allèrent bon train, après la représentation. Était-ce bel et bien Anna d’Aurevilly, qui avait affiché une ultime fois ce nom, sur les planches du théâtre qu’elle avait baptisé? Nul ne savait, vraiment…


Citation :
Ode à la Liberté
Ou les déconvenues, les gloires et la vie d’Anna d’Aurevilly

Acte I – Libre de Rêver

*Le décor est planté, la Basse-Ville de Citria. Une toile peinte de masures, des rues boueuses, et du décor peu amène des bas-quartiers de la blanche avant leur destruction*

*À l’avant plan du décor, à droite et gauche, deux semblant de balcons sont plantés. L’un ouvre sur un étalage de livre, semblant simuler l’intérieur d’une bibliothèque. L’autre, sur un petit appartement modeste d’une pièce, où le lit jouxte une table encombrée de denrées*

*Une femme, blonde et au teint clair, sort du côté cour, et s’installe sur le balcon des « archives ». Elle est revêtue d’atours modestes, fidèles à l’habillement des petites gens de la Basse-Ville. Elle empoigne un livre pour s’y plonger, s’en masquant le visage pour démontrer qu’elle y est absorbée.*

*Une autre femme, brune au teint mat, sort du côté jardin, et s’installe sur le balcon de « l’appartement ». Sa tenue aussi, est modeste, mais on voit qu’elle y a mis de la coquetterie et du raffinement, parant quelques ourlets de rubans à deux écus, et piquant en sa chevelure quelques fleurs sauvages.*

*En même temps, les deux femmes s’asseyent sur un tabouret placé chacun sur leur balcon. La pâle maintenant le visage dans son livre. La brune feuilletant les pages d’un script avec une nonchalance distraite*

*La femme au teint sombre, la voix chantante et expressive, parle la première après avoir relevé les yeux sur sa voisine d’en face.*

- Oh, hé, Florence! - Ma belle, ma douce lans!

*D’un sursaut, la lectrice relève son nez de son livre. La pâle libraire regarde autour, un rien nerveuse et interloquée*

*La belle brune réplique d’un rire, et d’une réponse joueuse et amusée*

- Pardi, c’est moi! - Ne tremble pas d’effroi!

*Enfin la pâle et timide demoiselle porte son attention sur sa voisine d’en face, et une main au cœur, signifiant son soulagement*

- Chère lans, tu m’as fait sursauter. – Ces poèmes m’avaient bien absorbée.

*La brunette échappe un rire, balayant l’air pour signifier son amusement. Elle rétorque, en chantant à demi, dans la cadence rythmique des rimes. Sa voix est claire, et respire une certaine assurance. *

- Ah ces lectures nous ont fait voyager – Combien de chemins avons-nous arpenté? – Lorsqu’enfants encore nous allions rêvasser – Sur ces avenirs qui ne nous étaient pas réservés – Et sur ces contes aux fins déjà jouées – Allongées ensemble sur les blonds épis de blé.

*La timide libraire affiche un sourire en coin, posant en travers de ses genoux le livre écorné qu’elle tenait. En retour, elle chante, avec légèreté et un brin d’hésitation.*

- Est-il seulement, lans, un autre moyen – De gouter joies qui échappent aux filles de rien?

*La brune secoue la tête, sourire dubitatif aux lèvres, affichant ses convictions avant de les chanter*

- Des moyens il y en a cent, il y en a mille – Mais il faut pour s’en doter être habile. – Pour nous complaire nul ne fait la file – Par soi-même l’on peut se tirer de la fange la plus vile.

*La pâle sourcille, l’air dubitatif, affichant clairement son incertitude, son questionnement*

- Je ne dis pas ma lans, qu’infortune et pauvreté – Sont des affaires immuables et prédestinées – Seulement voilà l’Hastanie est ainsi codifiée – Que peu se trouvent à régir et régner – Et qu’à petite condition moult doivent rester – Pour que l’Empire n’aille pas s’écrouler.

*Et la pâle tapote son livre d’un air amusé et docte, comme pour corroborer là ses paroles d’un savoir encyclopédique qui serait possiblement enfoui dans les pages*

*La brune adresse une moue légère à son amie, avant de rétorquer de sa voix chantante*

- Enfant tu rêvais mieux et plus grand – As-tu oublié depuis ce temps?

*Puis, avec un geste conciliateur et rassurant, marié à un sourire d’excuse, la libraire réplique*

- Ah, mais, ma douce Anna… - Si quelqu’un peut accomplir cet exploit – Je ne doute pas que ce sera toi.

*Puis la timide libraire se relève. Dans son expression, se trouve quelque chose de mélancolique, de résigné. Elle salue son amie de la main, avant de se retirer dans les coulisses*

*La brune s’apprête à une réplique, puis, l’observant ainsi, elle se tait, gagnée un instant par cette mélancolie non-dite. Elle entrouvre les lèvres, pour un mot de réconfort qui ne vient pas : la pâle libraire est déjà partie. En silence, un instant, elle observe les pages éparses de son script, et elle en récupère une, hasardeuse. Elle l’examine un temps*

- Où en étais-je… Ha! Esta. – J’en étais là, c’est ça.

*La voix de la brune se trouve soudain changée. Là ou plus tôt un chant chaleureux coulait de ses lèvres, le débit brut et sans rime d’une réplique lue, avec l’énergie et la hargne de mise, en échappait. Les mots crus coulent des lèvres de l’actrice avec le même naturel, leur drame sonnant vrai même énoncés depuis la solitude du balcon, depuis un tabouret.*

- «Salaud, tu faisais semblant de travailler pour la sauter pendant que je t'attendais à la maison avec les petits! Honte à ta lâcheté! Tu as abusé de ton pouvoir comme de moi. Maintenant, tu me fais de petits yeux pour que je te pardonne? T'es qu'un salaud!»

*Depuis les coulisses du côté jardins, un fracas se fait entendre. Une paire de soldats aux mines patibulaires, en uniformes sales de la légion, font irruption sur le balcon de l’actrice et entourent la brune de toute leur carrure*

*L’échange, rapide, entre l’actrice dont la colère semble désormais toute authentique, et la paire de soldat se fait en prose. Les mots fusent comme l’éclair, révélant l’émoi des soldats comme de l’actrice prise sur le vif.*

- Oh, un peu de retenue ma petite dame!

*De tonner l’un des soldats*

- Hé bien quel culot! Je suis chez moi, après tout!

*Éclate la brune en retour, se relevant pour tancer la paire qui était venue l’encadrer, s’accolant à la rembarde*

-Faites attention à comment vous parler à un agent de la Loi Kordakienne, ma petite dame. Vous ne voudriez pas recevoir une amende, n'est-ce cestes?

*Répondit le second légionnaire, plus imposant que le premier, faisant ombre de sa silhouette menaçante sur la brune*

*Et la brune, qui devait élever le menton alors pour défier ce légionnaire du regard vint sitôt rétorquer*

-Mais je rêve! Dégagez, vous voyez bien que je pratique pour la pièce de demain. Rah, laissez donc faire, idiots...

*Au visage des deux hommes se dessina un sourire carnassier. Ils s’échangèrent un regard. Complice, entendu.*

*Le premier légionnaire souffla entre ses dents, d’un soupir chargé d’anticipation, de lubricité*

- On va t'apprendre à te taire et à être polie, ma petite dame.

*Puis ni une ni deux, les légionnaires empoignèrent chacun un bras de l’actrice d’une main gantée de fer, et la tirèrent à l’intérieur. Ensemble, ils disparurent dans les coulisses, côté jardin, dans le petit appartement miteux. Des cris de protestation, le son de coups, et un cri de douleur put laisser présumer de ce qui se déroulait hors de vue, tandis que le rideau se baissait*


Acte II – Libre de s’Élever

*Le rideau s’ouvre, révélant le décor de Tyrimar. Un grand bâtiment semble jeter ombrage sur la place, et les connaisseurs pourront identifier les arches et les rideaux de ce qu’avait autrefois été le bordel de –l’autre- Neutre.*

*La brune, défaite, la robe en désordre, les cheveux emmêlés, dont les larmes avaient ostensiblement coulé et anéanti le fard dont elle s’était grimée, déboule au pas de course sur scène. Visiblement à bout de souffle, arrivée au milieu de la scène, et devant le public, elle s’effondre à genoux, laissant un moment peser et rythmer son souffle comme un râle.*

*Lorsqu’elle reprend la parole, entre le chant et la palabre, son souffle est chargé, révélant son épuisement*

- De moi, le destin se joue. – Je suis née dans la boue. – J’ai été fière, je l’avoue. – Pour une artiste sans le sou…

*Elle enfouit son visage en ses mains un moment, inspirant, comme pour reprendre contenance*

- Mais est-ce normal, enfin – Que gens aux cruels desseins – Pour peu qu’ayant pouvoir en main – Parviennent toujours à leurs fins.

*Elle écarte ses mains de son visage en passant ses doigts sur ses joues, épongeant le sillon que les larmes avaient tracé en son maquillage, lissant ses joues en un masque uni. Sa machoire est crispée, en détermination colérique*

- Est-ce normal que la balance penche d’un côté – Que pauvres hères subissent les premiers? – Que petites gens soient oubliés? – Et que justice n’ait partout droit de cité?

*Lentement, elle se relève, chassant la poussière et la terre de ses jupes, en les secouant*

- Cestes je ne serai pas écrasée – Et qui veut m’anéantir peut trembler – Devant Kordaken, je peux jurer – Que je saurai me relever.

*Elle replace sa chevelure en désordre, en toisant un moment les arches du bordel de Tyrimar, sa colère s’atténuant pour laisser place au sérieux*

- Gare à ceux qui auront voulu me briser. – Tyrimar est terre d’opportunités. – Nul obstacle ne saura m’entraver - Et céans je serai celle que j’ai imaginée. – Héroïne de mon histoire, éprise de liberté.

*Elle entreprend un pas déterminé, presque conquérant, vers les arches peintes du décor. Sur ce, le rideau se baisse*

Acte III – Libre d’Aimer

*Le décor était posé. Dans une lumière très tamisée sur scène, une quasi pénombre, on distinguait un arrière-plan du sous-sol de la Vipère Argentée, l’ancienne taverne de Tyrimar. On pouvait discerner quelques canapés coussinés, et les commodités de l’endroit dans la pâle aura de quelques timides chandelles, qui, seules, éclairaient la scène.*

*De l’ombre, une silhouette semble surgir en plein centre de la scène. C’est la figure d’Anna, enrobée d’une robe des plus seyantes, faite de la soie la plus fine, des velours les plus riches. Une petite lanterne au vitrail de nacre a été allumée, et pend à son cou depuis un opulent collier, accentuant ses traits d’ombres et de lumières, et de leurs nuances tranchées*

-Me voici enfin éminente, établie – De petite artiste je me suis bâtie – Le statut de promotrice, œuvre d’une vie.

*Ses traits se barrent d’un sourire amusé, presque provocateur*

- Et comment ai-je réalisé? – Ce que d’autres ne peuvent imaginer?

*Elle lorgne à droite, à gauche, joueuse, avant de parer sa bouche d’une paume de côté, comme pour simuler la confidence d’un secret. L’actrice estomperait un peu sa voix d’un murmure fort, pour dire*

-Eh bien bons lans, laissez-moi avouer - J’ai feint d’y croire, jusqu’à y arriver.

*Puis elle reprend, sur un ton joueur, toujours un peu chantant*

-Mais est-ce que cela suffit – De conquérir les cœurs et esprits – De rallier le temps d’un soir les ennemis? – Hélas, j’aimerais dire esta mais nenni.

*Elle secoue la tête, ses boucles sombres dansant en son geste*

-Cœur de femme même adulé – Cœur de femme veut être aimé – Battre, vivre, et s’emporter – Et aimée… je l’ai été - Mais cœur de femme bafouée – Ne veut compromettre liberté.

*Elle prit une pause, inspirant un temps, reprenant son chant, moins douce, plus habitée.*

-J’étais aimée mais point vengée – Nul preux ne pouvait être mon justicier – Nul vaillant ne pouvait me délivrer – De mon fardeau d’injustices à porter.

*Son sourire se marque davantage, alors qu’elle confronte l’audience du regard*

-Alors j’ai réfléchi, j’ai pensé… - Aux façons de voir l’affront lavé – De voir mon honneur restauré. – Étant femme libre et émancipée – J’offris ce que l’on voulut me voler – Ces charmes enflammant avidités. – Sachant pouvoir en remontrer – Aux faux parangons de moralité – Qui tiennent le haut du pavé – Comme à ces puissants persuadés – De leur propre supériorité – Ah qui a dit l’a bien pensé – Que façon plus prompte pour s’élever – Est de se trouver allongé.

*À ses côtés, deux lanternes s’allument simultanément, tenues par deux silhouettes disparates*

*À sa droite, dans la pénombre, une lanterne violette s’allume. La silhouette d’un homme replet et au visage rougeaud, à la tunique rembourrée pour simuler l’embonpoint, arborant une chevelure et une barbe blanchie.*

*À sa gauche, une lanterne rouge, révélant un homme svelte en long manteau et à la figure pâle, à la chevelure coiffée en crête*

*La brune élève la main droite et gauche, plaçant chacune en un geste délicat sous le menton des partis de droite et de gauche. Les deux hommes parleraient, en chœur, pour dire la même chose*

- Auprès de vous mon cœur palpite. – Et ma pensée se précipite...

*Sans faire face à l’un ou l’autre, elle répond*

- Très cher, me voici choyée. – De vos sentiments avoués.

*Le duo d’homme reprend de concert, encore, pour dire les mêmes paroles*

- Mais au-delà de la passion – Se trouve aussi souche de raison.

*En même temps, un sourire un rien suffisant, rempli d'assurance, pare les traits des deux hommes*

*Successivement, et sans fard, l’homme dans la lumière violette et celui dans la lumière rouge se relanceraient en leur énumération. En chantant, ils se donnent le change.*

- Vos assises à Tyrimar, pour une cité en mal d’alliés.
- Vos avenues à Citria, et les secrets à tirer.
- Votre prestance et votre gloire, au service de l’Empire.
- Votre influence chez ceux que Sombrum ne peut souffrir.
- Votre résilience vous faisant rempart du Zhel.
- Votre réinvention vous faisant égérie du Xuan.

*Puis le duo reprendrait, en chœur, disant les mêmes choses*

- Votre charme, votre acuité – Vos vertus, vos vices, votre beauté – Vos idées qui nous font nous ressembler - Vous faisant quintessence désirée - M’appartiendront en l’éternité – Vous que j’ai élu d’épouser.

*Simultanément, les hommes prendraient la main de la brune posée sous leur menton en la leur, et la porteraient à leurs lèvres, pour un baisemain*

*En même temps, les trois lanternes s’éteindraient, l’obscurité complète se faisant, et le rideau se tirant*

Acte IV – Simplement Libre

*Dans le décor peint, à l’apanage sombrumois, de lourde pierre foncée, de tentures sombres, figure en plein centre un miroir.*

*À pas feutrés, la silhouette de la brune s’avance. Son visage est peint de blanc, elle est grimée en nargolith, mais pourtant reconnaissable à l’audience.*

- Tel est pris qui croyait prendre – Proverbe familier peut-il surprendre?

*Elle eut un sourire convenu à l’audience, dans lequel restait un peu de la trace de l’amusement passé*

- En tissant toile, comme l’araignée – Me suis trouvée bien attrapée – Et en devoir de confronter – Une fort gênante vérité.

*Faisant dos au public, la brune s’avance devant le miroir. Devant elle, elle retrouverait le visage de sa blonde amie d’autrefois, la libraire, dont le visage aussi aurait été blanchi à la chaux. Leurs atours et vêtements seraient semblables : à la mode nargolith*

*La blonde nargolith du miroir prendrait la parole pour rétorquer*

- Et quelle est-elle, cette vérité – À moi tu peux bien l’avouer – Qui fut de sorte ta moitié – Souvenir de ce que tu as été.

*La brune, toujours dos au public et face à son « miroir » répliquerait*

- C’est que flairant le piège tendu – Par un charmeur éperdu – J’ai donné le change c’est connu – Pour le laisser en son domaine vaincu.

*De sa main, la figure blonde du miroir voile un rire, ses épaules tressautant*

*De dos, la brune figure semble imiter les gestes de la blonde du miroir*

- Et tu devines ma moitié – Qu’en amour ou amitié – Nul ne peut prendre sans donner – Et je me suis entichée – Du cœur dont je m’étais emparée.

- Tu as aimé et l’on t’aime – C’est jolie fable dont on fait des poèmes.

*Les deux figures sur scène secouent la tête, simultanément. L’image du miroir semble révéler de l’amusement*

- Ou dont on fait des tragédies. – Triste sort d'amants que tout divise aussi – Printemps des amours ne dure à vie – Nature profonde à la fin se trahit.

*La figure blanche de la libraire porte le bout des doigts à son menton, comme si elle réfléchissait*

- Point de race ou d’allégeance, mais au-delà – Car une seule chose jamais te dominera - Cette seule volonté qui dirige tes pas – Cet ultime amour qui triomphera – Et qui jusqu’à ta fin t’animera.

*La brune figure semble un peu se raidir, toujours dos à son public. La figure dans le miroir reflète aussi ce changement de posture*

- Et qu’est-ce donc qui a empire sur moi – Et me définit de cette façon-là? – Qui me pousserait aux plus douloureux choix – Que d’abandonner cette vie-là – Que de sacrifier l’amour et ses émois - Et de revisiter mes idées et ma voie.

*Une lumière s’allumerait derrière la silhouette du miroir, découpant sa silhouette en contre-jour, effaçant ses traits. L’ombre comme la femme de dos répliqueraient, d’une voix unie. En une chanson qu’elles chanteraient en chœur. *

Rage de vivre et farouche liberté.
Cœur de mon âme et ma psyché.
Curieuses compagnes, toujours là.
Plus vieilles lans et meah…
En ma tumultueuse existence.
Vous êtes l’ultime constance.


*Puis sur la femme et son miroir, qui encore se regardent, s'abaisse le rideau*

Malar Darmran, Nargolith, Doriam Malzaroth, Ekatereliae, Nargolith, Anna d'Aurevilly, Hastane et Skywalker aiment ce message

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(Pièce de Théâtre ) - Ode à la Liberté - Hommage à A. d'Aurevilly
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