[BG] Coelan RunFiagaï, Nalkiri

Je me rappelai toujours de Dymp, le chien de chasse de mon oncle. Il venait se faufiler entre mes jambes et me donner des coups de tête. J'essayais tant bien que mal de nourrir les poules mais je finissais toujours à genoux en train de le câliner. Son regard se portais sur le mien et je me demandais ce qu'il pensait de moi. Je le fixais de mes yeux vert pâle et tentais de percer à jour ses plus profonds désirs mais lui tout ce qu'il voulait c'était de licher ma grosse barbe rousse et de baver partout sur mon visage. J'essuyais mes lèvres charnues, prenait le temps de désengorger les narines de mon large nez, survolais mes sourcils épais et broussailleux et pour finir frottais mes traits anguleux. Dymp, couinant, la tête inclinée et le sourcil levé me regardais comme si je venais de détruire son œuvre.

Je passais des jours entiers à chasser à ses côtés. On se déplaçait rapidement en forêt en évitant les régions dangereuses. Parmi les chasseurs, j'étais un des plus grands de taille ce qui me permettais de suivre le rythme de Dymp lorsqu'il sentait quelque chose. Nous approchions un vallon où nous aimions bivouaquer, mais le cabot arrêta sec et leva les oreilles. Je m'accroupis près de lui un genou à terre et la main sur son dos. Ma chemise trempée par la sueur laissait paraître ma musculature élancée. Mon ventre robuste et découpé aux couteaux suivait le rythme de ma respiration qui ralentissait lentement pour faire taire le bouillonnement interne de mon corps. Le silence intérieur fut et mon ouïe se décupla. Mon regard fixait un bosquet plus loin pour capter tout mouvement en périphérie. Je sentis Dymp se tourner un peu vers la gauche et vis des traces de sabot descendant vers une petite clairière plus bas...


Les préparations allaient de bon train et le crépuscule se faisait sentir. Le feu rituel était dressé au centre de la communauté. Il jaillit de mille étincelles lorsque j'y enfoncé la torche de la flamme immuable. Nous rendions hommage à tous les proies abattues dans les quinze dernière lunes. C'est une des seules soirée où le gibier abondait plus que la grandeur de nos panses. Il n'était pas question de gâcher cette nourriture sacrée. Je me sentais bien et épanouis. Nos fiers guerriers loups se promenaient accoutrés du cuir de leur plus valeureuse prise. Nous leur rendions honneur en leur donnant notre corps pour qu'ils puissent ce mouvoir une dernière fois. Que Lysaelle nous en soit témoins. Mes épaules ornaient celles d'un ours qui avait vécu toute ses nuits de puissance. Ses crocs devant mon visage me rappelaient durement qu'ils avaient goûté mon cuir lors de cette nuit de chasse fatidique. J’entrelaçai plusieurs de mes frères traqueurs et profitai pour s'échanger éloges et histoires de chasse. Certains de nos enfants portaient fièrement des peaux de lièvres et d’écureuils; le fruit de leur première excursion sauvage. Ils étaient beaux à courir partout autour de nous. J'entendis un bruit d'aile sur ma droite. Un corbeau au sommet d'un pin vénérable y battait des ailes pour s'équilibrer. En croassant, il balaya son regard sur l'assemblée festive qui se déroulais sous lui puis il croisa mes yeux limpides. Les siens étaient d'un bleu intense, si rare chez les corbeaux; j'avais l'impression qu'il perçait mon âme.

Le corbeau inclina la tête et pensa : Il est un homme fort et valeureux ce Coelan. *Croassement profond* Je vois dans son regard qu'il est un fier guerrier du clan des loups. Il n'a pas peur de foncer et de se mesurer à plus fort. Une solide confiance en ses capacités de chasseur émane de lui.*Croassement*

Declan me bouscula en me présentant une bonne choppe de bière que j'acceptai avec plaisir. Je lui mis une bonne tape dans le dos et fixai le pin afin de retrouver l'oiseau mais hélas il avait disparu. Un si mauvais présage dans un moment de réjouissance me déboussola. Deux fesses de cerf et cinq choppes plus tard, je me trouvai un coin sombre pour vider ma douloureuse vessie. Ma verge pleurant ses déboires, je me senti observé à nouveau. Levant doucement le regard j’entre-vue Sevi, mon amie d'enfance, qui me dévisagea désillusionné par ce qui se trouvais devant elle.

-Bonsoir Sevi!Dis-je avec un sourire niais clairement éméché par l'alcool.

Je tentai tant bien que mal de dissimuler la fuite entre mes cuisses et de me tourner maladroitement mais en observant autour de moi je ne me trouvais pas vraiment dans le coin sombre que j'espérais. En roulant des yeux, Sevi s'exclama :

-Ce que tu peux être rustre des fois....Tu es entrain de pisser sur la hutte de Declan....

Je vis son regard pencher vers le bas puis remonter vers mon visage. Un petit sourire en coin se dessina sur son jolie minois. Je m’écriai sur un ton pataud :

-Cela ne changera pas grand chose sa hutte puais déjà le porc castré...

Sevi tourna les talons et partie en marmonnant d'un air désespéré :

-Ah..... Coelan.....

Je me retrouvai seul, les braies humides et le goût de dormir. Je me dirigeai vers ma tente et m'affalai de tout mon long sur ma paillasse.

*Ah.....moi et les femmes.* pensais-je.

Je n'avais jamais été connaisseur et adroit dans la sphère de la gente féminine. J'avais passé beaucoup plus de temps à traquer des créatures malveillantes dans les forêts qu'à courtiser les pucelles de mon clan. Sur ces pensées, je m’endormis en préparant mon esprit à la chasse du lendemain.


Je laissé Dymp derrière et m'aventurai lentement dans la clairière. Lorsque je sortis de l'ombre des dernières branches, une centaure de l'autre côté de l'éclaircie me tenait en joue avec un arc long.

-Kerta Coelan s'exclama-t-elle en baissant l'arme.

-Kerta Alana! dis-je en levant la main en signe de bonjour.

D'un petit trot ,elle ferma la distance entre nous. La musculature de ses pattes et son pelage étincelant était impressionnant. Alana faisait partie des éclaireurs du clan des centaures de l'est.

-Coelan, as-tu vu le corbeau aux yeux bleu? s’enquit-elle d'une manière ferme et direct.

-Oui Alana... hier... durant les festivités, il m'est apparu un bref instant.

Pendant que son regard balayait les environs, ses sabots martelais le sol comme si elle essayait de contenir une rage.

-C'est un mauvais présage Coelan... mon clan m'a envoyé le chasser, mais il se cache dans la forêt de pins ancestraux qui borde vos terres. Ils sont trop grands pour que je puisse le trouver...foutu fitheach! cracha-t-elle.On ne veut pas des yeux de Lakkak sur notre territoire. Ses sbires ont repris des forces et c'est de mauvais augure. Tu devrais retourner voir ta mère, je les ai avertis.

Elle s'éloigna quelque peu avant de se retourner et de s'exclamer la crinière au vent :

-Fait attention à toi Faol Coelan... les vents ont tournés.

Son visage amical se détourna et elle partit au galop quittant la clairière.

Penseur, je fixais l'endroit où elle avait disparu et je me demandais ce que le corbeau me voulait, car il m'avait dévisagé l'autre soir. Alana avait l'air troublé et je l'avais ressenti. Dymp me réveilla de mes songes en se collant sur moi pour avoir un câlin.

-Ne t'en fait pas, tout va bien aller dis-je à Dymp en lui frottant les oreilles. En tout cas j'espère me dis-je à moi même..


Je viens d'une famille qui avait un respect profond pour la nature et qui disposait d'une profonde sensibilité aux énergies. Ma mère Delen, druidesse du clan des cerfs, avait une facilité à tisser des liens avec des bêtes de toute sorte. Ces enseignements m'avait beaucoup influencé dans mon cheminement et mon aptitude à déceler les mauvaises des bonnes s'était renforcé. Mon jugement avait été façonné par de fréquentes rencontres avec différentes espèces. Celles dotées de bienveillance comme les gnomes du bosquet de Truhn où l'empathie et mon sens de l'observation avaient été travaillé dans ses moindres détails lorsque j'étais jeune. Celles qui étaient plus solitaires et neutres comme les licornes et les feux follet avec lesquelles une amitié indéfectible pouvait être construite, mais patience et respect de leur limite étaient de mise. Enfin celles dont le mal les consumait comme les goules et les morts qui m'avait appris courage et stratégie afin de décider si elles méritaient encore leur place en ce bas monde. En usant ruse et camouflage pour passer inaperçu ou bien en usant de la force nécessaire pour occire la menace qu'elle représentait pour notre peuple ou autre créature bienveillante. Du maniement de la hache à la précision d'une flèche bien décochée, rien n'était mis de côté. Je pratiquais ces enseignements pour permettre à mon clan de s'épanouir et de faire perdurer l'harmonie avec les créatures vivants dans les contrées environnantes. Mais nous ne savons jamais ce qui se cache au tournant du chemin et ce que le destin nous réserve...