Certains secrets sont mieux gardés que d'autres.
Zar'Nekk ne s'en faisait pas avec les siens.
La seule personne qui les connaissait, Nashka, sa fumelle de tant d'hivers, ne pourrait plus les révéler à personne, même si elle le voulait... Même si Zar'Nekk l'espérait plus que tout au monde.
Le vieux gorlak se releva péniblement de sa couche, presque nu, la peau ratatinée semblant avoir de la place pour encore deux autres vieillards comme lui. Il s'étira, faisant craquer son ossature protubérante et ouvrit la porte de son logis pour regarder dehors, maugréant contre la pluie. Le vieillard habitait une petite chaumière de pierre recluse dans les bois près d'un marécage, perdue au milieu de nulle part. Il se rendit à un trou creusé non loin, fit sa besogne du matin, et tira péniblement un peu d'os du puits qu'il avait lui même creusé avec Nashka il y avait maintenant si longtemps.
Traînant lourdement le sceau, il le déposa sur la table dressée au centre de sa chaumière, réveillant une silhouette assoupie sur une chaise.
"Huuuuuuuuuuuhhhnnnn!" se lamenta la forme.
"Pardon mun putit coeur de hastane." répondit Zar'Nekk, fermant la porte.
La personne à table tenta de bouger, puis se débattit sauvagement, bien ficelée à la chaise, la faisant sauter un peu.
"Huuuuhhh...! Aaaaarrrrrrrhrhh." se lamenta de nouveau la captive.
Zar'Nekk s'approcha de sa prisonnière, une gorlak en état lamentable, en haillons et en décomposition avancée. Malgré le danger et l'odeur, il lui embrassa le front doucement, ce qui la fit réagir de trois grands claquements de dents.
Le vieillard soupira, "Chaque jour le même purtha de cirque, Nashka. Douba!"
Il lui donna une tape derrière la tête afin de la corriger, encore, mais son scalp se colla à sa main griffue. Il tenta de ne pas trop arracher de peau, de lui laisser sa chevelure intacte.
Effort inutile.
Les cheveux de la morte vivante tombèrent par terre devant le vieillard incrédule, qui versa une larme, se recouchant sur son lit de paille. Était-il déjà trop tard?
"Huuuuuuh!" *Claquement de mâchoires* "aaaaaaarh!"
Le vieillard ferma les yeux, puis se rassit, reniflant. Il inspira profondément, tentant de se ressaisir, et sembla entrer en transe. Les ombres semblaient maintenant plus opaques, plus présentes. Il attendit, comme toujours, les murmures, tendant l'oreille.
Les voix du Moldar étaient maintenant son seul espoir.
Les voix du Moldar seraient peut-être un jour la voix de Lakkak...