Chapitre I: Le compté de Montpetit et l'ombre qui se trouvait à la bibliothèque du deuxième étageÀ onze heure du matin, une étrange agitation animait le Château Montpetit. Des gémissements mêlés à des hurlements périodiques se faisaient entendre dans le petit salon du premier étage, tandis qu'une petite foule de courtisans s'étaient rassemblée devant la porte principale du château.
La foule amenant un désordre importun, le premier valet fit ordonner à l'intendant de préparer un buffet afin de calmer les esprits.
À l'origine de cette agitation, un drame qui n'intéressaient qu'un petit nombre de gens mais qui avait décidé notre personnage à se rendre à l'ombre des livres. En effet, le propriétaire du château avait amassé une belle et luxueuse collection qui ferait rougir d'envie le plus riche des notables Citrien.
Loin du tumulte, assis à un pupitre de la bibliothèque se trouvait un jeune homme d'une trentaine d'années, la chevelure rousse, les yeux gris, la peau pâle, le visage beau mais sombre, la front appuyé dans la peaume de sa main. Silencieusement, il pensait: son bagage avait été préparé, le valet avait fait atteler sa monture. Et puis une bourse emplie d'écus d'or l'attendait cachée sous son lit.
Alexandre - c'est le nom de notre personnage - trempa sa plume dans un encrier puis la posa sur un parchemin. Sa main hésita avant d'écrire d'un mouvement précipité "
Très cher père...". Alexandre savait qu'à ces mots, son interlocuteur reconnaîtrait l'urgence de sa missive. De coûtume, il ne s'adressait à lui que par son titre. Néanmoins, l'urgence et la profonde affection que l'homme portait à son aïeul justifiait de contourner les convenances.
La main s'affaira à terminer la missive avec hâte. Une fois terminé, les yeux gris d'Alexandre la parcourèrent rapidement, puis, d'un air satisfait, il la plia, applica le sceau familial et la tendit à un patient valet qui, attendant, avait feint d'être occupé à observer la pelouse extérieure.
- Tiens, prends cette lettre et apporte-la à la poste la plus proche. Voilà une couronne d'or pour ta peine. Souviens-toi valet, tu aurais tord de me trahir. Tu le ferais au péril de ta vie car, sur mon honneur, tu n'aurais droit à aucune autre forme de préavis lorsque je reviendrais pour t'occire.Le valet s'inclina puis s'en fut sans un mot. Une fois hors de sa vue, notre personnage sortit de la bibliothèque et s'engagea prestement dans le petit escalier de service pour se rendre à sa chambre au troisième étage.
S'apprêtant à tourner le coin du couloir des chambres, il sarrêta net et prêta l'oreille, entendant des bruits sourds au bout du couloir. Alexandre risqua un regard et aperçeva, devant la porte de sa chambre, un des laquais du fils Montpetit. Il devina le second laquais fouillant sa chambre.
Malédiction, déjà trop tard! Ces diables de coquebin auront tôt fait de me faire subir un bien vilain sort s'ils me trouvent murmura-t-il, grinçant les dents. Il pensa: certainement, son père qui avait souvent bataillé réglerait leur compte sans détour. Mais lui, seul et sans arme risquait fort de ne point voir un autre jour s'il se risquait à les batailler. Il soupira, puis, renonçant à sa petite fortune, se dirigea rapidement vers l'écurie.
Arrivé face à sa monture, il sauta, pris les rennes et se dirigea vers la petite route. Citria se trouvait à quarante lieues. Il pensa qu'il serait sauf s'il arrivait au crépuscule. Jetant un oeil au destrier, il pensa qu'il lui faudrait bien le crever pour arriver à temps.
Le cavalier se mit au galop sans un autre regard vers Montpetit.
- Citation :
- Mon très cher père,
J'ai le malheur de vous écrire pour vous annoncer de mauvaises nouvelles.
Primo, j'ai le regret de vous informer que votre ami, le Compte de Montpetit se meurt. Il a fait une vilaine chute à cheval ce matin même, et, s'il n'est pas déjà trépassé, cela ne saurait tarder. L'extrême onction a déjà été donnée.
Deuxio, je m'apprête à quitter Montpetit céans. J'ai l'infortune de vous avouer que le fils du Compte me voue une haine mortelle depuis l'hiver dernier où je l'ai surpris ayant une méchante et désonhorante conduite envers la fille du boulanger. La pauvre n'avait même pas encore eu ses premières indispositions. Quoiqu'il en soit, il a juré ma mort et a bien l'intention de mettre en péril ma vie maintenant qu'il a libre champs.
Je prends donc prestement la route pour Citria, où je tenterai de me trouver un nouveau maître et protecteur. Croyez bien, cher père, que j'espère ce faisant respecter vos ordres et votre volonté de me voir servir un homme juste et bon pour longtemps encore.
Ayez la bonté, je vous prie, d'embrasser pour moi Madame la Duchesse et confortez-là de mes meilleurs sentiments.
Je vous aime et espère vous voir avant longtemps.
Votre dévoué,
Alexandre M.
Ad Summa Nitamur