[BG] Un saphir béni par la lune de rubis

Partie I - Si une vie pouvait se résumer en cinq cent mots

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Au creux d'un marais bordant la cité d'Hishtals, bercé par la douce lumière du Xuan reflétée par la rouge Félicia, un œuf.

L’air est bon et le ciel clair ; l’une de ces nuits où des milliers d’étoiles scintillent en célébration d’un événement heureux. Un crapaud chante à basse profonde et une chouette perchée non loin hulule en l’accompagnant. Près de l’œuf, quatre yeux dorés dans lesquels peut se lire un amour infini : ils appartiennent à deux Drakans enlacés. Lui porte un plastron rudimentaire argenté par-dessus ses écailles émeraudes, elle, une robe de soie émeraude enveloppant son corps d’argent. Leur cœur bat à l’unisson une balade de rêveries.

Non trop tôt, le craquement sec de la vie qui vient interrompt l’agréable mélodie de la tourbière. Après quelques secondes d’efforts, de l’œuf sort un lézardeau bleuté ; le plus beau que le couple n’avait jusqu’alors vu. Dans un mouvement de grâce maternelle, la femelle prend son nouvel enfant dans ses bras et le place contre son cœur dans une délicate étreinte. Le Drakan de jade lève ses bras et présente la paume de ses mains à la lune de rubis et, d’une voix sereine mais ferme, déclare avec un sourire :

- « Il s’appellera Eramorn, fils de Goraskan ! ».

* * *

Eramorn possède peu de souvenirs de sa première mue ; le tout s’était passé sans encombre, et il était alors trop occupé à jouer aux douze avec les autres lézardeaux pour questionner la transition. Depuis sa naissance, le Drakan aux écailles d’un gris d’azur avait toujours inspiré une sérénité particulière, semblant fort distancé de l’influence de la Bête. Son père, un officier de la Myrsyr, aurait certes préféré de son fils une plus grande fougue. Malgré tout, Eramorn grandit bercé par l’amour de ses parents.

Sa seconde mue, toutefois, marqua plus lourdement sa conception du monde, et participa fortement à le lancer sur la voie du perfectionnement de la Terkyss. Elle débuta en parallèle au deuil de son paternel, qui succomba à des blessures reçues lors d’une escarmouche mal avisée. En quête de soi, le jeune Drakan s’exila comme bien d’autres avant lui. Il médita trois jours et trois nuits sous Félicia, qui l’aida à comprendre sa bête intérieure, et enfin, dans la même lumière qui l’avait vu naître plusieurs années auparavant, il accoucha son esprit et rouvrit les yeux empreint d’une nouvelle aspiration.

Lorsque vint le temps de sa troisième mue, Eramorn était prêt à formuler le Serment d’Honneur. Déjà fort mature et posé pour son jeune âge, le Drakan n’avait aucun doute sur sa destinée : il était béni de l’alliance du Xuan et de Félicia, et dévouerait son existence à comprendre l’essence de la vie et à maîtriser la Terkyss. Il se lança ainsi sans hésitation sur la voie de la sagesse et de la thaumaturgie, se promettant d’honorer son père et Hishtals aussi longtemps que les Aldens le lui permettraient.

À ce jour, le quotidien d’Eramorn est parsemé de lectures, de méditation et de débats philosophiques avec ses pairs. Dans l’enceinte des murs d’Hishtals, le Drakan cherche à comprendre sa nature profonde, et pratique les arts de la guérison avec grande dévotion.